Meurtre de Trayvon Martin: Beaucoup de zones d'ombre et de questions
De notre correspondant à Los Angeles
Un mois après le meurtre de Trayvon Martin, un adolescent afro-américain de 17 ans, à Sanford en Floride, la tension ne retombe pas. George Zimmerman, 28 ans, qui effectuait une ronde de voisinage et plaide la légitime défense, a été laissé en liberté, en attendant son éventuelle comparution devant un «grand jury», a priori le 10 avril. Cette semaine, plusieurs fuites et témoignages contradictoires sont venus compliquer l'affaire. Le point.
George Zimmerman était-il blessé?
Selon les enregistrements audio de son appel à la police, George Zimmerman a suivi Trayvon Martin car il trouvait son comportement «louche», alors que plusieurs maisons du quartier avaient été cambriolées les semaines précédentes. La police lui a recommandé d'arrêter sa poursuite, mais Zimmerman a répliqué: «Ces enfoirés, ils pensent toujours qu'ils peuvent s'en tirer.» Il est alors descendu de son véhicule pour continuer à pied. Selon son avocat, il a fini par abandonner, et c'est alors qu'il retournait vers sa voiture que l'adolescent l'aurait attaqué.
L'avocat, qui n'a pas lu de rapport médical, a expliqué à CNN que selon ce qu'il avait compris, son client a souffert «d'un nez cassé et d'une blessure sur l'arrière du crâne». Le père de Zimmerman affirme que Trayvon Martin a pris la tête de son fils entre ses mains et l'a cognée contre le pavé à plusieurs reprises. Mais les images filmées par une caméra de vidéo-surveillance du poste de police ne semblent montrer aucune trace de la lutte, sur son visage ou ses habits. Elle est toutefois de mauvaise qualité, et il est possible que Zimmerman ait été nettoyé par les services de secours sur place.
Que disent les témoins?
Personne n'a vu le début de l'altercation. Dans un appel au 911, on entend une voix déchirante crier «help». La famille de Trayvon Martin jure qu'il s'agit de l'adolescent. Celle de Zimmerman affirme l'inverse. Un témoin confie à CNN avoir vu une partie de l'affrontement, avec Trayvon Martin au-dessus de George Zimmerman, et que ce dernier criait «à l'aide». En revanche, un autre témoin, lui, n'est «pas sûr car il faisait sombre» mais pense qu'il s'agissait «de l'homme le plus massif (Zimmerman, ndr) au-dessus» car la victime, inerte, n'était «qu'un garçon». Quand George Zimmerman a marché dans une zone mieux éclairée, «il n'avait pas de traces de blessures», selon le témoin.
Trayvon Martin était-il au téléphone avec sa petite amie?
C'est ce qu'affirme cette dernière. Ce que les relevés téléphoniques confirment, selon ABC. En revanche, la conversation n'a pas été enregistrée. La jeune fille a indiqué que Martin avait peur car «un type le suivait». Elle dit avoir entendu Martin demander «pourquoi me suis-tu» et Zimmerman répondre «Que fais-tu ici», avant que la communication ne coupe.
Le rapporteur de la loi «stand your ground» parle
Invité de la radio NPR, l'élu Dennis Baxley (républicain) a précisé la philosophie de la loi autorise les habitants de Floride «à utiliser la force, létale, si besoin, pour répondre à une menace et protéger leur vie». Dans d'autres Etats, la légitime défense stipule qu'il faut en priorité battre en retraite. Ce texte est la raison pour laquelle la police n'a pas encore arrêté Zimmerman. Mais Baxley ne «pense pas que la loi s'applique» dans cette affaire. «Elle ne vous autorise pas à poursuivre activement quelqu'un. Au contraire, elle aurait pu protéger la victime», conclut-il.
Clash médiatique
D'un côté, des célébrités réclament l'arrestation de Zimmerman. Les plus vocales sont afro-américaines, comme Oprah et le réalisateur Spike Lee. Ce dernier s'est excusé après avoir tweeté ce qu'il pensait être l'adresse de Zimmerman. La tension monte, alors qu'un groupe extrémiste, les Neo Black Panthers, ont offert 10.000 dollars pour la capture de George Zimmerman afin de procéder «à une arrestation populaire». Plusieurs voix conservatrices, elles, appellent à «laisser la justice faire son travail». Bill O'Reilly, sur Fox News, a dénoncé «ces médias qui veulent écrire l'histoire sans avoir tous les éléments».