L'Allemagne rend hommage aux victimes des «meurtres Döner»
SOCIÉTÉ jeudi avait lieu à Berlin une cérémonie à la mémoire des neuf étrangers et de la policière allemande tués par un groupuscule néo-nazi entre 2000 et 2007...
«Une honte pour notre pays». C’est en ces termes que la chancelière allemande, Angela Merkel, a décrit ce jeudi les dix meurtres commis par le gang néo-nazi de Zwickau, le «Nationalsozialistischer Untergrund» (NSU, mouvement clandestin national-socialiste). Une cérémonie a eu lieu dans la salle de concert de Berlin en mémoire des neuf hommes et de la policière tués entre 2000 et 2007 à travers le pays, et dont les meurtres étaient restés irrésolus jusqu’en novembre dernier. Peu après la cérémonie, à midi, une minute de silence a été observée dans toute l'Allemagne à la mémoire des victimes.
«Action brochette de kebab»
Les activités meurtrières du «NSU» ont duré 13 ans, ses trois membres parcourant l’Allemagne du nord au sud et d’est en ouest sans être repérés par les services antiterroristes. Leur existence n’a été révélée qu’en novembre dernier, lorsque Uwe Böhnhardt, 34 ans, et Uwe Mundlos, 38 ans, les deux fondateurs présumés du groupuscule, ont été retrouvés morts dans leur caravane à Eisenach, dans le Land de Thuringe, dans le centre de l'Allemagne. Traqués par la police après un braquage ayant mal tourné à Eisenach, en Thuringe, les deux hommes se sont suicidés. Le troisième membre du groupe, une femme de 36 ans, Beate Zschaepe, ne s’est quant à elle pas donné la mort mais se rend aux autorités après avoir fait exploser son domicile de Zwickau, dans le Land de Saxe.
Là, les enquêteurs découvrent un pistolet de calibre 7,5 mm de marque Ceska, une vidéo de 15 minutes, baptisée «Action brochette de kebab», et revendiquant les meurtres de neuf immigrés restés inexpliqués, ainsi qu’un attentat à la bombe commis en 2004 dans un quartier turc de Cologne ayant fait 22 blessés. L'arme de service et les menottes de Michèle Kiesewetter, une policière abattue d'une balle dans la tête pendant son service en 2007 à Heilbronn, dans le Bade-Würtemberg, sont également découvertes. Les enquêteurs découvrent que les braquages –une douzaine au total- ont servi à financer la série de meurtres.
«L'action plutôt que les mots»
Les analyses balistiques confirment que le Ceska a servi à dans les neuf «meurtres Döner», surnommés ainsi car les victimes étaient tous des commerçants ou restaurateurs d'origine étrangère (huit Turcs, un Grec). A l’époque où ils ont été commis, les enquêteurs comme la presse outre-Rhin pensaient à un tueur en série, les neuf meurtres commis entre le 9 septembre 2000 et le 6 avril 2006 répondant tous au même schéma: des immigrés, abattus d’une ou plusieurs balles dans la tête, en plein jour, dans leur commerce. A chaque fois, les enquêteurs ne retrouvent aucune trace d'ADN, aucune fibre, aucune empreinte digitale, aucun témoignage utile, et surtout aucun motif ni revendication. En effet, les néo-nazis se réfèrent à un principe: «L'action plutôt que les mots.»
Ces révélations ont provoqué une vague d’indignation Outre-Rhin, non seulement parce que les enquêteurs n’avaient pas résolu la série de meurtres ni avancé le motif xénophobe, mais surtout parce que ces militants néo-nazis étaient connus, et qu’ils n’ont jamais été retrouvés après leur passage dans la clandestinité. Dans les années 90, ils ont fréquenté le Thüringer Heimatschutz («groupe thuringeois de protection de la patrie»), surveillé par les autorités et, en janvier 1998, ont échappé de peu à un coup de filet après la découverte de matériel de propagande, d’explosifs et d’armes de poing dans un garage loué par Beate Zschäpe.
Autre motif d’indignation: la révélation de liens du groupuscule avec un ancien agent du Verfassungsschutz (office pour la protection de la Constitution) du Land de Hesse, qui a pour mission de lutter contre les ennemis des valeurs défendues par la République fédérale allemande, en particulier les néo-nazis, les Allemands craignant qu'une «fraction armée brune» n’émerge, et ne répande autant la violence que la Fraction armée rouge dans les années 1970 et 1980.