Berlin, 50 ans après la construction du Mur

HISTOIRE Que reste-t-il aujourd'hui du Mur de Berlin qui, pendant près de trente ans, divisa la ville en deux...

Anabelle Gentez
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Le Mur de Berlin, le 11 août 2011, cinquante ans après sa construction.
Le Mur de Berlin, le 11 août 2011, cinquante ans après sa construction. — Markus Schreiber/AP/SIPA

Il y a 50 ans, le 12 août 1961, le conseil des ministres de la République Démocratique Allemande  annonce «un dispositif de contrôle aux frontières de la RDA avec l'Allemagne de l'Ouest et les secteurs d'occupation occidentaux à Berlin». Le Mur de Berlin s’érige dans les jours qui suivent, séparant de facto une ville en proie à de fortes confrontations entre partisans de Moscou et de Washington.

Les Berlinois n’imaginent pas alors qu’ils vont être séparés  pendant près de trente ans, jusqu’à la chute du Mur le 9 novembre 1989 qui réunifie la ville tout aussi brutalement qu’elle fut divisée. Tentant d’oublier les stigmates de l’Histoire au plus vite, Berlin détruit, reconstruit et efface les traces. Que reste t-il aujourd’hui de cette dichotomie urbaine, économique et culturelle ? Quelques habitants et amoureux de la Ville nous ont donné leur sentiment à ce sujet.

Existent-ils encore des préjugés?

 Pour Alain Le Treut, journaliste et chercheur résidant à Berlin, les préjugés perdurent, sans être extrêmement violents: «Les Ossis voient par exemple les Wessis comme des personnes plutôt arrogantes et portées sur la consommation, les Wessis voient dans le comportement des Ossis des survivances du système communiste.» A la Cité universitaire, les jeunes Berlinois parlent d’une même voix quand il s’agit de décrire le style Est Allemand.

Anna, 23 ans, s’esclaffe: «Ils ont un style particulier, tout droit sorti des années 80!». «Ils», ce sont ces personnes au look un peu grunge, jeans troués et chevelure verte, très souvent issues des banlieues Est et qui vivent dans une certaine nostalgie du régime communiste, «l’Ostalgie».

Et la séparation spatiale?

La majeure partie du dispositif frontalier de la RDA a disparu en 1990 et 1991. «Il ne reste que très peu de vestiges du Mur, même si certains ont été reconstitués. En se promenant les touristes me demandent souvent de quel côté on se trouve», raconte Marc Fray, rédacteur en chef du site berlinenligne.com et fin connaisseur de la ville.

Pour lui, plus de ségrégation spatiale entre Est et Ouest: «Berlin, beaucoup plus que Paris, est une ville de quartiers (les Kieze). L’identité des Berlinois se forge beaucoup plus par rapport à leur Kiez d’origine que par rapport au fait d’habiter Berlin Est ou Berlin Ouest.»

Berlin, réunifiée par la Culture?

Marc Fray insiste aussi sur la forte attractivité de Berlin Est, lieu de fête et de culture très convoité par les jeunes et les bobos. La dynamique culturelle à Berlin est très forte et permet de dépasser les anciennes confrontations politiques, comme le confirment Markus et Marika. Ce couple d’artistes habite Berlin Est alors qu’ils ont grandi à l’Ouest. «Ici il règne une effervescence incroyable, un contexte fabuleux pour créer.»

La ville est devenue un acteur majeur de la scène culturelle internationale, attirant de très nombreux créateurs et artistes étrangers. Et son rayonnement ne fait que s’accroître, laissant peu à peu le spectre de la division de la Ville se dissiper. «La culture, c'est ce qui demeure dans l'homme lorsqu'il a tout oublié», disait l’académicien Edouard Herriot.