Grèce: La crise économique vue par deux immigrés à Athènes

PORTRAITS Mohammed et Raja, installés depuis des années dans la capitale grecque, racontent leur expérience dans le difficile contexte actuel...

A Athènes, Corentin Chauvel
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Mohammed, vendeur dans une boutique de souvenirs (à gauche) et Raja, kiosquier (à droite), à Athènes, le 21 juin 2011.
Mohammed, vendeur dans une boutique de souvenirs (à gauche) et Raja, kiosquier (à droite), à Athènes, le 21 juin 2011. — Corentin Chauvel / 20Minutes

De notre envoyé spécial

«La crise, quelle crise?» Mohammed rit de bon cœur et baisse d’un ton pour que sa patronne grecque ne l’entende pas commenter la situation économique actuelle. Pour cet Egyptien de 47 ans, qui travaille dans un petit magasin de souvenirs au pied de l’Acropole, les Grecs «vivent normalement, ce n’est pas la crise».

La preuve? «Dans les cafés du quartier (Plaka), il y a plus de touristes grecs qu’étrangers alors qu’ils savent que c’est plus cher et qu’ils pourraient aller ailleurs», répond Mohammed, qui vit à Athènes depuis 1981 après avoir débuté sa carrière comme coureur de 3.000 m steeple. Raja, réfugié politique de 39 ans, compte lui dix-sept ans de séjour en Grèce, où il est arrivé à pied et en bus depuis son Cachemire pakistanais natal.

«La situation est mauvaise ici, il n’y a pas de travail»

Sa vision des choses diffère de celle de Mohammed. «La situation est mauvaise ici, il n’y a pas de travail», indique-t-il. Raja a repris depuis trois mois un petit kiosque où il vend presse, cigarettes, nourriture et boissons. «Mais je ne fais aucun bénéfice, je perds de l’argent tous les mois, ce n’est pas un bon commerce», se lamente-t-il, déplorant dans le même temps la dégradation du quartier dans lequel il est situé, Omonia, où «il n’y a que des drogués et des gens qui se battent».

A Plaka aussi, Mohammed a constaté une montée de l’insécurité. «Je vois des vols tous les jours et la police a beaucoup trop de travail», précise-t-il. Pour l’Egyptien, la situation a surtout changé depuis le passage à l’euro, en 2001. «Maintenant, tout est beaucoup plus cher», résume-t-il. «Et les salaires sont mauvais», renchérit Raja.

Un même désir, partir

Les deux hommes déconseilleraient ainsi à n’importe quel compatriote de venir s’installer en Grèce. De plus, leur relation avec les autochtones n’est pas au beau fixe. «Ma femme est grecque, mais je n’ai pas d’amis ici, les gens ne t’aident pas, n’aiment personne, sans parler du racisme», tranche Raja. Mohammed est plus réservé. Sa patronne, qui «n’aime pas les Français», veille. «Je ne préfère pas parler de politique avec les Grecs, mais à chaque fois c’est la même chose, ce sont ceux qui n’ont pas de travail qui manifestent», affirme-t-il en direction des occupants de la place Syntagma.

Aujourd’hui, Raja et Mohammed partagent un rêve commun: partir. Pour le Pakistanais, ce sera «la France ou l’Allemagne», quitte à laisser femme et enfant pour leur promettre un avenir meilleur. S’il se sent «comme chez (lui)» en Grèce, l’Egyptien vise lui «n’importe quel endroit où (sa) femme et (ses) deux filles iront». Cela pourrait être la Chine, d’où est originaire sa compagne, de presque 20 ans sa cadette, et où vivent pour le moment ses enfants, dans sa belle-famille.