Grèce: «C'est la première fois depuis l'Antiquité que le peuple se rassemble ainsi»
REPORTAGE Sur le modèle des «Indignés» espagnols, les Athéniens veulent réinventer la démocratie que leurs ancêtres ont créée...
>> De notre envoyé spécial à Athènes
«On partira quand on sera les vainqueurs». Telle est la réponse donnée en chœur par les occupants de la place Syntagma quand on leur demande ce qu’il faudrait pour les faire partir. Depuis le 25 mai, ces Athéniens de tous âges et de toutes professions ont imité le mouvement des «Indignados» de Madrid en campant au cœur de la capitale grecque, juste en face du parlement.
Mais ces indignés-là n’ont pas de nom, ou pas encore. «Dans l’histoire grecque, c’est la première fois depuis l’Antiquité que le peuple se rassemble ainsi, sauf que tout le monde peut participer», explique Mimi dans un excellent français. Cette enseignante au chômage passe plus de 15 heures par jour sur la place où s’affairent 27 «équipes» donnant au mouvement un semblant de communauté.
«C’est notre parlement, le parlement du peuple»
Il y a des équipes thématiques (politique, social, économique, culture, etc.), mais aussi «matérielles» (nettoyage, nourriture, santé,…). «On se sent comme une famille, même si on ne s’était jamais vus avant et on accueille des nouveaux membres tous les jours», souligne «Georges» dont le véritable nom est visiblement trop compliqué.
Et la famille de s’activer jour et nuit pour tenir coûte que coûte à Syntagma, malgré les tentatives de la police de les en déloger. «Avant ce lieu était fait pour les touristes, maintenant, c’est notre parlement, le parlement du peuple», défend Mimi. Les touristes, eux, sont tout de même là, par curiosité, même si le contraste est plus saisissant avec ceux flânant dans les grands palaces ou cafés chics qui bordent la place. «Et vous, combien de temps allez-vous dormir?», interpelle justement une banderole écrite en français. Les anglophones ont également le droit à des messages personnalisés.
Mais Mimi les défend: «Ils sont intéressés, ils viennent nous voir, ce n’est pas comme les médias grecs qui ne sont pas du tout objectifs et ne nous donnent jamais la parole». Georges, journaliste «dans la vraie vie», confirme. «La voix du peuple est censurée dans les médias traditionnels, alors on a créé notre propre média avec une radio pirate et un site Internet , explique-t-il, évoquant des ambitions politiques même si le but du mouvement n’en est pas encore là.
Lassés de l’austérité
«Notre objectif, c’est de ne pas laisser le gouvernement prendre de nouvelles mesures d’austérité», explique Stelios, 19 ans qui pointe particulièrement du doigt l’Union européenne. «C’est elle qui dirige la politique menée par Papandréou, mais on ne veut pas qu’elle décide de ce qu’on doit faire», poursuit l’étudiant en Polytechnique.
«J’ai fait une promesse, je ne partirai pas en vacances tant que le gouvernement n’aura pas changé de politique», conclut le jeune homme avant d’aller se restaurer à la cantine gratuite mise en place par les manifestants. Mary restera elle aussi jusqu’au bout. Cette comédienne de 37 ans a planté sa tente sur la place et ne la quitte plus depuis le début de l’occupation.
Un «rêve de démocratie réelle, tout le monde est égal»
«J’ai été attirée par cette idée, ce rêve de démocratie réelle, tout le monde est égal», raconte-t-elle, «On est tous volontaires, on fait tout ensemble, on s’entraide», ajoute-t-elle, décrivant le système d’assemblée générale qui se réunit tous les soirs à 21h pour décider de la suite du mouvement. Là, tout le monde a le droit de prendre la parole et de donner son opinion.
La prochaine action est prévue mardi. L’objectif: former une chaîne humaine autour du parlement afin d’empêcher l’entrée des députés pour le prochain vote confiance au gouvernement. Les forces de l’ordre devraient à nouveau mettre des bâtons dans les roues des protestataires, mais Mary veut y croire: «Si tu es tout seul, on ne t’entend pas, mais tous ensemble, on n’a pas même à crier, un murmure suffit».