Mort de Ben Laden: La France est-elle plus menacée qu'auparavant?

ANALYSE Pour Claude Guéant, c'est indubitable. Cependant rien n'assure clairement que la France sera une des cibles privilégiées pour la vengeance de la mort du leader d'Al-Qaida...

Bérénice Dubuc
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Au-dessus du seuil actuel du plan Vigipirate, il ne reste que le niveau «écarlate», synonyme de «l'imminence» d'un attentat sur le sol français.
Au-dessus du seuil actuel du plan Vigipirate, il ne reste que le niveau «écarlate», synonyme de «l'imminence» d'un attentat sur le sol français. — S. ORTOLA / 20 MINUTES

Après la mort de Ben Laden, la France est plus que jamais dans le viseur des terroristes islamistes. C’est, en substance, ce qu’a affirmé ce mercredi le ministre français de l'Intérieur, Claude Guéant: «Les menaces sont partout, et on peut craindre que la France soit l'objet de représailles, d'une volonté de vengeance», a-t-il dit.

Une inquiétude fondée, affirme à 20 Minutes Louis Caprioli, ancien responsable de la lutte contre le terrorisme à la DST, et conseiller du groupe GEOS: «La menace terroriste contre la France et les intérêts français est au moins au même niveau qu’auparavant, si ce n’est au-delà.» Car, même si la France n’a rien à voir dans l’opération qui a mené à la mort du chef d'Al-Qaida, elle est depuis très longtemps dans le viseur de l’organisation.

«Elle fait partie de ses priorités», assure Louis Caprioli. «Ben Laden a menacé la France à de multiples reprises alors que ses interventions médiatiques étaient exceptionnelles. Et le n°2, Ayman Al-Zawahiri, l’a lui aussi régulièrement menacée depuis 2004.»

Un danger sur le sol français ou dans sa périphérie proche

De plus, la semaine dernière, les services de sécurité allemands ont démantelé une cellule terroriste et arrêté trois personnes, dont l’une avait été entraînée dans les zones tribales du Pakistan. «Cela prouve qu’en France, mais aussi à sa périphérie proche, il peut y avoir des cellules terroristes qui peuvent lancer une attaque, du fait de la liberté de circulation qui existe dans l’espace Schengen», conclut Louis Caprioli.

Pourtant, le plan Vigipirate est toujours au niveau rouge. Certes, Claude Guéant a demandé un renforcement des patrouilles, mais ce passage au «rouge renforcé» n’est pas inhabituel: il est mis en place chaque année lors des périodes de fête, par exemple, où plus de personnels en tenue sont déployés dans les espaces publics.

Pourquoi le plan Vigipirate n’est-il pas passé au niveau écarlate? «Ce niveau, le plus élevé, signifie soit qu’un attentat a eu lieu, soit que la preuve manifeste, par une source fiable, a été donnée à la DCRI qu’un attentat était imminent, en cours de préparation», explique Louis Caprioli. Une éventualité qui doit donc être, pour le moment, exclue.

La réaction d’Al-Qaida au décès de Ben Laden pourrait donner des orientations

Alors, les paroles alarmistes de Claude Guéant ont-elles une simple visée politique? Non, martèle l’ancien responsable de la lutte contre le terrorisme à la DST: «Le terrorisme existe, on sait que la France est visée. Accuser le gouvernement de manipuler à des fins politiques l’argument sécuritaire est un faux procès. Je crois que la menace est réelle et importante.» Pour Dominique Thomas, chercheur associé à l’EHESS, «c’est un discours que le gouvernement se doit de tenir dans le contexte de la mort de Ben Laden, pour rassurer la population et lui montrer qu’il prend le sujet au sérieux.»

Même si, selon le spécialiste des mouvements islamistes, rien n’indique une augmentation du risque terroriste contre la France. «La France est effectivement en première ligne. Cependant, il n’y a pas d’éléments précis qui permettraient de dire que la France est plus menacée qu’auparavant.» Pour lui, la menace terroriste est plus importante car les jihadistes vont vouloir venger Ben Laden, mais «la question de la cible reste entière».

«Je pense que ce sont les intérêts américains qui sont visés en priorité. Les intérêts pakistanais aussi pourraient être visés, pour faire payer la politique de collaboration dans la mort du leader d’Al-Qaida.» Mais pas la France. Du moins jusqu’à «la réaction d’Al-Qaida» au décès de Ben Laden, qu’il faut attendre, car elle pourrait« donner des orientations» sur les cibles privilégiées pour cette vengeance.