Roms: une politique communautaire qui laisse à désirer

DECRYPTAGE L'Union européenne a mis en place depuis plusieurs années des mécanismes pour améliorer leurs conditions, mais ils peinent à se montrer efficaces...

Corentin Chauvel avec AFP
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C.JOUBERT / AP / SIPA

Qui doit s’occuper des Roms? Tandis que les expulsions  se poursuivent en France, de nombreux voix, politiques et associatives, se sont  élevées pour que l’Union européenne (UE) reprenne sérieusement le problème en  main. Comme promis, François Fillon   a déclaré ce jeudi qu'il s'était entretenu de la question avec  le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, et qu'une réunion de travail sur le sujet aurait  lieu «dans les tout prochains jours» entre «les ministres et les  commissaires européens» concernés.

Les instances de l’UE se veulent en effet concernées par  le sort de la première minorité  ethnique d’Europe (10 à 12 millions de personnes). Conscientes que celle-ci est victime d’exclusion sociale  et de discriminations récurrentes dans toute l'Europe, les institutions ont réagi ces dernières  années par l’intermédiaire de plusieurs rapports et résolutions. La dernière en  date a été adoptée le 31 janvier 2008 par le Parlement européen, appelant la  commission européenne à adopter une stratégie continentale à l’égard des Roms.

Une plateforme européenne d’intégration et des fonds  

Les députés européens considèrent notamment  que l’UE et les Etats membres ont «une responsabilité partagée» dans la  promotion de l’intégration des Roms et surtout que les instances européennes  disposent «d'un éventail de mécanismes et d'instruments pouvant être utilisés  pour améliorer» leur situation.

Ainsi, deux sortes de mécanismes ont été mis en place:  une plateforme européenne d’intégration des Roms, qui a vu le jour en avril 2009  et consiste en une réunion biannuelle de représentants européens, nationaux et  Roms, ainsi que l’utilisation de divers fonds afin de leur venir en aide sur le  terrain, que ce soit pour l’éducation, l’emploi, la santé ou encore le logement.

L’échec du sommet de  Cordoue

Par ailleurs, un sommet européen se tient  tous les deux ans. Celui qui s’est tenu en avril dernier à  Cordoue (Espagne) n’a pas attiré les foules. La plupart des ministres européens  qui y avaient été conviés étaient absents. Le secrétaire d'Etat français aux  Affaires européennes, Pierre Lellouche, avait alors critiqué la désertion de ses  collègues et «l'absence de volonté politique», déplorant avoir assisté à  «beaucoup d'incantations et pas beaucoup de décisions».

«Il y a des résistances, et peu d'avancées se sont  produites depuis la résolution du Parlement européen de janvier 2008, même s'il  y a toujours plus de pression sur Bruxelles», avait renchéri Belen Sanchez  Rubio, porte-parole de la Coalition pour une politique européenne pour la  population gitane. Pire, les Etats membres présents se sont engagés à faire en  sorte que les fonds européens parviennent de manière «effective» à cette  minorité pour améliorer les conditions de vie des Roms, insinuant ainsi que  l’argent communautaire ne serait pas forcément utilisé à bon escient.

Une démarche franco-roumaine à  venir

Les expulsions qui ont lieu en France  actuellement feront-elles bouger les choses? La France et la Roumanie devraient  entreprendre une démarche commune auprès de l'UE pour régler la question des  Roms, a annoncé ce jeudi Pierre  Lellouche. Mais, il y a une condition: Bucarest doit s'engager sur des actions  chiffrées pour leur réinsertion. Les choses sont donc encore loin d’être  acquises.

Cependant,  «le renvoi de la problématique rom à l’Europe, par les autorités roumaines, mais  aussi par la France et d’autres Etats, est une erreur», tempère le sociologue  Jean-Pierre Liégeois, auteur de «Roms en Europe» (Editions du Conseil de  l’Europe), dans un entretien à Mediapart paru le 19 août dernier. En effet,  d’après lui, «cette volonté soudaine de transfert de compétence et de  responsabilité d’un Etat vers une organisation européenne va à l’encontre de la  volonté des Etats de garder leurs prérogatives, et on voit mal comment ils  pourraient les abandonner subitement et uniquement pour leurs citoyens  Roms.»