Haut-Karabakh : Opération militaire, civils tués… Que se passe-t-il entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie ?
territoire disputé Trois ans après la précédente guerre, l’Azerbaïdjan exige le retrait « total et inconditionnel » de son adversaire arménien de la région du Haut-Karabakh
Trois ans après, les tensions ne sont pas apaisées entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Pour preuve : Bakou a lancé une opération militaire au Haut-Karabakh mardi, demandant le retrait « total et inconditionnel » de son adversaire arménien de cette région disputée depuis des décennies avec Erevan. Réactions internationales, civils tués, « opérations antiterroristes »… 20 Minutes vous explique les derniers déroulements dans cette région chaude d’Asie centrale.
Une opération « antiterroriste », selon Bakou
Dans la matinée, la mort de quatre policiers azerbaïdjanais et de deux civils semble avoir déclenché la colère de Bakou. Les quatre policiers ont été tués dans l’explosion de leur véhicule sur une mine sur une route vers Choucha, ville du Karabakh sous contrôle azerbaïdjanais, et les deux civils par une mine dans le même secteur, ont indiqué les services de sécurité azerbaïdjanais dans deux communiqués.
A peine une heure après cette nouvelle, l’Azerbaïdjan a annoncé avoir lancé des « opérations antiterroristes » visant les forces arméniennes au Haut-Karabakh. « Dans le cadre de ces mesures, les positions des forces armées arméniennes (…) sont mises hors d’état de nuire à l’aide d’armes de haute précision sur la ligne de front et en profondeur », a indiqué le ministère azerbaïdjanais de la Défense dans un communiqué. La diplomatie azerbaïdjanaise a prévenu que « le seul moyen de parvenir à la paix et à la stabilité » était « le retrait inconditionnel et total des forces armées arméniennes » du territoire et « la dissolution du prétendu régime » séparatiste.
Des tirs sur des zones habitées, des civils tués
La capitale du Haut-Karabakh, Stepanakert, et d’autres villes de la région ont ainsi été ciblées par des « tirs intensifs », ont déclaré les autorités séparatistes arméniennes. Après un premier bilan de deux morts, ces dernières ont annoncé que 25 personnes, dont deux civils, sont décédées et 80 ont été blessées, parmi lesquels 15 civils. « Des infrastructures civiles sont également prises pour cible » par l’armée azerbaïdjanaise, a affirmé Gegham Stepanyan, le défenseur des droits de la région séparatiste. L’armée azerbaïdjanaise essaye d’avancer « en profondeur » au Karabakh, ont ajouté les séparatistes qui accusent Bakou d’avoir recours à l’artillerie, l’aviation et des drones.
Le ministère azerbaïdjanais de la Défense a de son côté indiqué mettre en place des couloirs humanitaires pour permettre l’évacuation des civils de la région disputée alors que les autorités de l’Azebaïdjan ont annoncé la mort d’un civil dans les affrontements, touché « par éclats d’obus ». « Afin de permettre l’évacuation de la population de la zone dangereuse, des couloirs humanitaires et des points d’accueil ont été mis en place sur la route de Latchine et dans d’autres directions », a indiqué le ministère dans un communiqué. Les civils de six localités du Haut-Karabakh ont été évacués, ont précisé les autorités séparatistes arméniennes dans la soirée.
L’Arménie se défend de toute provocation
En réponse aux accusations des autorités azerbaïdjanaises, Erevan a assuré ne pas avoir de forces armées déployées au Haut-Karabakh, sous-entendant que seuls ses alliés séparatistes se trouvaient sur place pour faire face aux « opérations antiterroristes » lancées par l’Azerbaïdjan. Des alliés qui réclament d’ailleurs un cessez-le-feu et des négociations avec Bakou. L’Arménie estime que le but de Bakou est de procéder au « nettoyage ethnique » de ce territoire séparatiste majoritairement peuplé d’Arméniens.
« Nikol Pachinian a convoqué une réunion du Conseil de sécurité. L’ordre du jour comprend une discussion sur les actions militaires à grande échelle déclenchées par l’Azerbaïdjan », a déclaré le service de presse de l’organe de défense arménien, cité par les agences de presse russes. Le Premier ministre a par ailleurs dénoncé des appels à un « coup d’Etat » en Arménie, alors que la télévision faisait état de centaines de manifestants massés devant le siège du gouvernement à Erevan.
La Russie et la Turquie dans le coup ?
Bakou a précisé avoir informé la Russie et la Turquie de ses opérations dans l’enclave, et Moscou a ensuite dit n’avoir été prévenue que « quelques minutes » avant leur début. Le Kremlin, « préoccupé », a dit par la voix de son porte-parole essayer de convaincre l’Arménie et l’Azerbaïdjan de revenir « à la table des négociations ».
De son côté, la Turquie juge « légitimes » les « préoccupations » ayant conduit à l’opération militaire. Le président turc a par la suite affirmer « soutenir les mesures prises par l’Azerbaïdjan (…) pour défendre son intégrité territoriale ».
Les réactions internationales
La France a demandé « la convocation d’urgence d’une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies », en condamnant l’opération militaire « avec la plus grande fermeté ». L’opération militaire conduite par l’Azerbaïdjan dans l’enclave du Haut-Karabakh est « illégale, injustifiable, inacceptable », a réagi Catherine Colonna, la ministre française des Affaires étrangères. « Je voudrais souligner que nous tenons l’Azerbaïdjan responsable du sort des Arméniens du Haut-Karabakh », a-t-elle ajouté. Le président du Conseil européen, Charles Michel, qui a mené une médiation par le passé entre les deux pays, a lui jugé que l’Azerbaïdjan devait « immédiatement » cesser son opération.