Arabie saoudite : Les Etats-Unis réclament une enquête après un rapport sur des migrants éthiopiens tués à la frontière

Immigration L’ONG Human Rights Watch a publié un rapport de 73 pages en s’appuyant sur des témoignages de rescapés

20 Minutes avec AFP
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Les gardes-frontières saoudiens sont accusés d'avoir tué des centaines de migrants éthiopiens qui tentaient de franchir la frontière avec le Yémen.
Les gardes-frontières saoudiens sont accusés d'avoir tué des centaines de migrants éthiopiens qui tentaient de franchir la frontière avec le Yémen. — F. Nureldine/AFP

C’est un rapport fourni, détaillé. Au fil des 73 pages du document, Human Rights Watch s’attarde à compiler des témoignages, à recouper des images satellites, mais aussi des photos et des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux. La conclusion est froide et accuse ouvertement l’Arabie saoudite de multiples crimes. D’après l’ONG, « des centaines » de migrants éthiopiens auraient été tués de mars 2022 à juin 2023 par les gardes-frontières saoudiens. Les migrants tentaient de pénétrer dans la riche monarchie du Golfe au péril de leur vie, empruntant parfois la « route de l’Est » reliant la Corne de l’Afrique au Golfe, en passant par le Yémen, pays pauvre et en guerre depuis plus de huit ans.

A la suite de la publication du rapport, les Etats-Unis se sont alarmés. « Nous avons fait part de nos inquiétudes concernant ces allégations au gouvernement saoudien », a précisé un porte-parole du département d’Etat. « Nous appelons les autorités saoudiennes à conduire une enquête approfondie et transparente et à respecter leurs obligations en vertu du droit international », a-t-il ajouté. Les gardes-frontières mis en cause dans le rapport n’ont pas été formés par les Etats-Unis, et n’ont pas reçu de fonds venant du gouvernement américain, a assuré le département d’Etat.

Les autorités contestent les faits

Les autorités d’Arabie saoudite, où travaillent des centaines de milliers d’Ethiopiens, contestent les faits rapportés par l’ONG. « Les allégations contenues dans le rapport de Human Rights Watch selon lesquelles des gardes-frontières saoudiens auraient tiré sur des Ethiopiens traversant la frontière entre l’Arabie saoudite et le Yémen sont infondées et ne reposent pas sur des sources fiables », a déclaré une source gouvernementale saoudienne.

Les personnes interrogées par Human Rights Watch sont pourtant formelles, évoquant « des armes explosives » et des tirs à bout portant. Selon leurs propos, les gardes-frontières leur demandaient parfois « sur quelle partie de leur corps ils préféreraient que l’on tire ». Ils décrivent des « femmes, hommes et enfants éparpillés dans le paysage montagneux, gravement blessés, démembrés ou déjà morts ». L’ONG estime que ces meurtres pourraient constituer « un crime contre l’humanité ».

Des milliards dépensés « pour améliorer l’image »

Peuplé de 36 millions d’habitants, le pays a beaucoup fait parler de lui ces derniers mois pour sa capacité à attirer les plus grandes stars du football mondial comme Cristiano Ronaldo, Karim Benzema, Neymar ou Sadio Mané. « Les autorités saoudiennes tuent des centaines de migrants et de demandeurs d’asile dans cette zone frontalière reculée, à l’abri du regard du reste du monde. Les milliards dépensés pour améliorer l’image de l’Arabie saoudite » ne devraient pas détourner l’attention de « ces crimes horribles », a déclaré dans un communiqué Nadia Hardman, spécialiste des migrations à HRW.

L’année dernière, des experts de l’ONU avaient fait état « d’allégations préoccupantes » selon lesquelles « des tirs d’artillerie transfrontaliers et des tirs d’armes légères par les forces de sécurité saoudiennes ont tué environ 430 migrants » dans le sud de l’Arabie saoudite et le nord du Yémen durant les quatre premiers mois de 2022.