Turquie : Dans les zones kurdes de Syrie, l’inquiétude après la réélection d’Erdogan

RÉPRESSION Le président réélu ce dimanche multiplie les attaques face aux Kurdes depuis de nombreuses années

20 Minutes avec AFP
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Le président sortant, Recep Tayyip Erdogan a été réélu ce dimanche avec plus de 52% des votes.
Le président sortant, Recep Tayyip Erdogan a été réélu ce dimanche avec plus de 52% des votes. — Ädil Toffolo/PACIFIC PRES/SIPA

Au lendemain de la réélection du président turc Recep Tayyip Erdogan, qui menace régulièrement d’attaquer les zones sous administration kurde du nord de la Syrie, c’est l’inquiétude qui prévaut ce lundi au marché de Qamichli.

« En tant que Kurdes, nous ne souhaitions pas qu’Erdogan soit réélu », affirme en kurde Hozan Abou Bakr, propriétaire d’une boutique de vêtements qui discute avec ses voisins des répercussions du scrutin en Turquie.

Un cinquième de la population

« Nous voulions Kemal Kiliçdaroglu [le candidat de l’opposition], non pas parce qu’il est meilleur, mais parce qu’il s’était allié aux Kurdes et qu’il n’est peut-être pas aussi mauvais qu’Erdogan », ajoute cet homme de 30 ans.

Les Kurdes en Turquie, environ un cinquième des 85 millions d’habitants de ce pays, ont voté principalement en faveur de Kemal Kiliçdaroglu, le chef du Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), battu par Erdogan dimanche.

Tout au long de la campagne électorale, le président sortant n’a cessé d’attaquer son rival en le traitant de « terroriste », en raison de l’appui que lui ont apporté des responsables du parti pro-Kurde HDP.

Erdogan multiplie les offensives contre les Kurdes

Peuple sans Etat, les Kurdes sont répartis entre la Turquie, l’Irak, la Syrie et l’Iran. A la faveur de la guerre en Syrie, ils ont établi une administration autonome dans de vastes secteurs du nord et du nord-est de ce pays.

Mais ils s’inquiètent que le président turc ne mette à exécution ses menaces répétées d’attaquer ces zones kurdes, et redoutent également un rapprochement entre Damas et Ankara dont ils feraient les frais.

La Turquie a lancé depuis 2016 trois offensives sur le sol syrien contre les forces kurdes dans le Nord, qui lui ont permis de contrôler une bande frontalière de 120 kilomètres de longueur côté syrien. Ankara a aussi mené en novembre une campagne de raids contre les combattants kurdes dans le nord de la Syrie et a brandi la menace d’une offensive terrestre.

Un rapprochement turco-syrien ?

« La victoire d’Erdogan constitue sans aucun doute un développement négatif pour les Kurdes, notamment en Syrie », a estimé auprès de l’AFP l’analyste Mutlu Civiroglu, spécialiste de la question kurde. Selon lui, les Kurdes syriens auront affaire à « davantage d’attaques de drones et à la montée en puissance des groupes armés syriens soutenus par la Turquie ».

Erdogan a tenté ces derniers mois de se rapprocher de son homologue syrien Bachar al-Assad, notamment grâce à une médiation russe, ce qui, selon l’analyste, constitue « une autre inquiétude pour les Kurdes syriens ».

« Nous ne pouvons pas prédire les agissements d’Erdogan, mais tout rapprochement entre lui et Bachar al-Assad se fera aux dépens des Kurdes », affirme pour sa part à l’AFP Saleh Muslim, qui copréside le PYD.