Turquie : La victoire d’Erdogan effraie la communauté LGBT+

CRAINTES Durant la campagne présidentielle et au soir de sa victoire dimanche, Recep Tayyip Erdogan a régulièrement critiqué la communauté LGBT+

20 Minutes avec AFP
La marche des fiertés à Izmir en Turquie le 26 juin 2022.
La marche des fiertés à Izmir en Turquie le 26 juin 2022. — Idil Toffolo/Shutterstock

En Turquie, la communauté LGBT+ ne voit pas d’un bon œil la victoire dimanche de Recep Tayyip Erdogan. Tout au long de la campagne, il les a insultés, utilisés pour attaquer l’opposition et l’accuser de vouloir détruire les valeurs familiales qu’il porte au pinacle : la réélection du président islamo-conservateur effraie les LGBT qui craignent de se voir viser, y compris physiquement, en raison de leurs orientations sexuelles.

« J’ai réellement peur. Je ne pouvais déjà pas respirer avant et maintenant, ils vont essayer de m’étrangler », s’inquiétait ainsi samedi Ilker Erdogan, un étudiant de 20 ans, à la veille du scrutin dans le quartier de Kadiköy, sur la rive asiatique d’Istanbul.

Les attaques régulières d’Erdogan

Et il faut dire qu’au soir de sa victoire, Erdogan n’a rien fait pour dissiper les craintes. Dès sa première prise de parole, le président a régalé ses partisans en demandant : « Est-ce que le CHP (le parti de son adversaire malheureux, Kemal Kiliçdaroglu) est LGBT ? Est-ce que le HDP (pro-kurde) est LGBT ? ». Et la foule de rugir : « Ouiiiiii ! ». Puis : « Est-ce que l’AKP (son parti) est LGBT ? » - « Nooooooon ! »

En meeting durant la campagne électorale, le chef de l’Etat n’a jamais manqué d’attaquer la communauté, lançant qu' « aucun LGBT ne peut être le produit de cette nation ! ». Son ministre de l’Intérieur, Süleyman Soylu, a pour sa part dénoncé la « religion » LGBT+ importée selon lui « d’Amérique et d’Europe ». « Quand ils parlent des LGBT+, ça inclut le mariage des animaux et des humains », a-t-il également clamé.

« Aucune conséquence si on nous tue »

« J’ai subi plus de discours et d’actes de haine que je n’en avais connus depuis longtemps ; on m’a jeté du café depuis une voiture et on m’a crié dessus dans la rue », assure Ameda Murat Karaguzu, 26 ans, responsable de projet dans une association pour les droits des LGBT+. Pour elle, « ce discours de haine » du président Erdogan « encourage les personnes homophobes, transphobes et hostiles aux LGBT+ dans les rues parce qu’elles savent qu’il n’y aura aucune conséquence si on nous tue ou on nous blesse ».

Tugba Baykal, réalisatrice de documentaires et militante LGBT+ de 39 ans, a pour sa part décidé de quitter le pays. « Les gens sont traités comme des criminels pour le simple fait d’exister ». Elle est sûre que les demandes de visas pour émigrer vont augmenter. Elle-même va tenter sa chance aux Etats-Unis : « une décision qui aurait été bien plus difficile à prendre si notre pays était plus accueillant. »