Présidentielle américaine 2024 : L’apprenti Ron DeSantis peut-il battre son maître Donald Trump ?
DECRYPTAGE Le gouverneur de Floride s’est jeté dans l’arène mercredi. La bataille fratricide avec l’ancien président américain s’annonce sanglante et personnelle
- Ron DeSantis a officialisé sa candidature à la présidentielle américaine mercredi.
- Alors qu’il est vu comme l’adversaire le plus dangereux de Donald Trump, sa campagne s’est enrayée avant même d’avoir commencé.
- A 44 ans, ce soldat « antiwoke » s’est beaucoup inspiré de Donald Trump, mais il souffre d’un manque de charisme.
De notre correspondant aux Etats-Unis,
Ce combat se gagnera dans la boue. En se lançant officiellement dans la course à la présidentielle de 2024 mercredi, Ron DeSantis espère réussir là où Jeb Bush, Marco Rubio et Ted Cruz ont échoué en 2016. Mais pour battre Donald Trump, qui semble pour l’instant intouchable dans la primaire avec 55 % d’intentions de vote, le jeune gouverneur de Floride devra réussir à déstabiliser un mentor qu’il a beaucoup copié.
Un bébé Trump
En 2017, Ron DeSantis est un membre du Congrès réputé pour ne jamais dire bonjour à ses collègues, même républicains. « C’est un enfoiré qui n’a que faire des gens et ne se soucie que de Ron DeSantis », assure à Politico l’ancien élu du Michigan David Trott.
Quand il se lance dans la course au poste du gouverneur de Floride, en 2018, il profite du soutien de Donald Trump lors de la primaire, qu’il met en avant dans une pub de campagne. DeSantis construit un mur en cubes avec ses enfants, leur lit le best-seller du magnat de l’immobilier, The Art of the Deal, (« You’re fired ! ») et met son fils au lit dans une grenouillère « Make America Great Again ».
DeSantis remportera finalement l’élection par une infirme marge de 0,4 point face au démocrate Andrew Gillum, affaibli par des accusations de corruption.
Un soldat « antiwoke »
Issu d’une famille de classe moyenne et passé par les prestigieuses universités de Yale et Harvard, Ron DeSantis s’est engagé comme avocat dans la Navy et a été déployé en Irak. A la tête de la Floride, il a fait de la pandémie de Covid-19 un combat pour les libertés individuelles, refusant notamment d’imposer le port du masque à l’école. Depuis, il s’est lancé dans une guerre culturelle contre le « wokisme », avec des lois pour limiter l’enseignement à l’école de l’histoire du racisme et des thématiques LGBTQ +.
Comme Trump, sa force est « son habilité à comprendre l’électorat pour déterminer les thématiques polémiques sur lesquelles il peut surfer », estimait David Trott. Mais en cherchant à « out-Trumper » Trump, Ron DeSantis va parfois trop loin, comme avec son combat juridique contre Disney, critiqué par de nombreux républicains. Et l’envoi de migrants par avion dans des bastions démocrates, qualifié de « cruel » par la Maison-Blanche, pourrait mal passer chez les électeurs indépendants modérés s’il était le candidat investi en novembre 2024.
Un robot qui manque de charisme
« Ron DeSantis peut faire campagne sur son bilan conservateur qui rendrait n’importe quel républicain jaloux. Mais à l’ère Trump, c’est moins important que votre personnalité. Et il n’a pas ce charisme qui attire des électeurs désormais habitués à l’excès », confie à 20 Minutes Barrett Marson, un stratégiste républicain basé en Arizona.
Réputé pour ne pas avoir de sens de l’humour, et encore moins de l’autodérision, DeSantis part au quart de tour et aime donner des leçons. Donald Trump l’a d’ailleurs surnommé pour cette raison « Ron DeSanctimonious » ou plus récemment « DeSanctus ». Son ton nasal, qui semble toujours agacé, ne l’aide pas, pas plus que son rire mécanique déjà devenu un mème.
La menace de Trump
Après la déroute des candidats trumpistes complotistes aux midterms de novembre 2022, surtout dans les Etats disputés, Donald Trump a connu un trou d’air dans lequel s’est engouffré Ron DeSantis, réélu gouverneur dans un fauteuil, notamment en faisant une percée dans l’électorat latino. L’establishment républicain s’est pris à rêver d’un « trumpisme sans Trump », avec un candidat plus discipliné et moins repoussoir. Mais depuis, DeSantis n’a pas réussi à passer la seconde. A 20,9 % d’intentions de vote, selon la moyenne des sondages de RealClearPolitics, le gouverneur compte 34 points de retard sur l’ancien président.
Jusqu’à présent, il s’est montré timide dans ses attaques, mais cela pourrait changer lors des premiers débats télé, fin août. A 44 ans, osera-t-il attaquer l’âge de Trump, qui aura 77 ans dans quelques semaines ? Dira-t-il haut et fort que le sortant républicain a perdu le scrutin de 2020 ? Trump, qui critique le « manque de loyauté » de son ancien poulain, n’hésitera pas de son côté. « J’en sais plus sur lui que quiconque, peut-être à l’exception de sa femme », avertissait-il en novembre, avant de publier un post sur Truth Social insinuant que Ron DeSantis aurait tenté de séduire des lycéennes quand il a brièvement été enseignant, à 24 ans.
Un immense défi
Même si tout peut vite changer en politique, surtout avec les affaires judiciaires qui cernent Trump, « DeSantis fait face à une montagne », estime Barrett Marson. Le lancement de sa campagne, en direct sur Twitter, a connu de gros problèmes techniques mercredi. « Un désastre », s’est réjoui Donald Trump, qui a partagé une vidéo d’une fusée de SpaceX aux couleurs de DeSantis implosant.
Sur le fond, l’ancien locataire de la Maison-Blanche a mis en doute la capacité de DeSantis à battre Joe Biden, avec des coupes proposées sur les pensions de retraite (Social security) et la santé des seniors (Medicare), que Donald Trump, particulièrement populaire chez les retraités, ne veut pas toucher.
Au populisme de Trump, Ron DeSantis oppose une orthodoxie qui pourrait le handicaper lors d’un éventuel duel face à Joe Biden, juge Barrett Marson : « L’interdiction de l’avortement après six semaines (signée par DeSantis en Floride) passe très bien dans le Dakota du Nord ou l’Alabama. Mais dans un swing state (Etat indécis), cela pourrait devenir un boulet susceptible de le couler. »