Bonus: les banques ont tous les droits
DECRYPTAGE BNP Paribas reversera en fin d'année des bonus à ses traders, comme c'est l'usage dans le milieu de la banque. Une pratique critiquée, mais légale, crise financière ou non...
Les banques, aidées par l'Etat, ont-elles le droit de verser des bonus?
Il n'y a pas d'illégalité à verser des bonus à ses traders. En avril dernier, les pays du G20 se sont réunis à Londres sur fond de crise financière et ont publié un communiqué listant une série de règles. Objectif: éviter les dérives qui ont favorisé la crise. Ces règles sont en fait des engagements moraux, pris par les Etats membres du G20. En l’absence de réglementation stricte, la BNP, comme tout autre banque aidée par l’Etat, ne sera donc pas dans l'illégalité en reversant des bonus à ses traders.
Que disent les règles du G20?
Le communiqué final du G20 reste vague. Il stipule que les bonus ne pourront plus être garantis sur plusieurs années, que leur calcul se fera en «fonction du résultat net après coût du risque et étalement partiel sur plusieurs années du paiement permettant aux risques éventuels de se matérialiser». En d'autres termes, le G20 en appelle à la responsabilité des banques pour adopter un comportement responsable.
L'argent des bonus versés par les banques qui ont touché des aides de l'Etat, est-il celui du contribuable?
Non, le raccourci ne fonctionne pas. Les banques américaines, qui ont bien compris que cette conclusion pouvait être dressée à la hâte, ont habilement préféré rembourser leur emprunt à l'Etat avant de parler des futurs bonus, contrairement aux banques françaises. «Cela leur a permis d'avoir plus de liberté dans leur système de rémunération. Les milliards ont été remboursés donc ce ne sont pas ces mêmes milliards qui ont été reversés aux traders», explique Christian de Boissieu*.
Qui peut changer les modes de rémunération par bonus?
Pour l'économiste, cette responsabilité relève du comité d'administration de la banque et des comités spécialisés (audit et rémunération). «Il faut que ces comités fassent leur travail et contribuent à l'auto-discipline des banques. Mais on a bien vu l'exemple des Etats-Unis où les établissements bancaires se sont empressés de rembourser les aides qu'ils avaient perçues, pour ensuite gérer librement leur système de prime», explique-t-il.
Pourquoi les banques ne réforment-elles leur système de rémunération par bonus?
Elles avancent l'argument de la concurrence. Contactée par 20minutes.fr, la BNP explique que «les autres banques vont verser des bonus». Sous-entendu, «si nous ne le faisons pas nos traders vont partir à la concurrence». C'est donc un cercle vicieux.
Si les banques ne respectent pas les règles, peut-on les obliger à le faire?
Ce sera le principal enjeu du prochain G20, qui se tient en septembre à Pittsburgh aux Etats-Unis. Le sommet de Londres a timidement posé les bases d'une nouvelle régulation. L'enjeu du prochain sera de se montrer plus ferme. Mais il s'agira toujours d'engagement moral, et donc sans obligation. Et «on sera reparti pour un tour, souligne Christian de Boissieu, car c'est un système pro cyclique».
Si les banques ne jouent toujours pas le jeu après le G20, quelle solution reste-il?
Il reste la réglementation. A condition qu’elle soit globale. «Il faut une coordination importante au niveau européen, japonais et américain, pour ne pas pénaliser nos banques, explique l'économiste. Mais le mieux serait que les banques s'auto-disciplinent pour que l'Etat n'ait pas à intervenir».
Une réglementation évitera-t-elle une nouvelle crise?
Elle permettra de limiter la prise de risques excessive. Si les traders sont rémunérés en fonctions de leurs résultats, la course à la performance est engagée. Ils n'hésitent donc pas à prendre une série de risques pour augmenter leurs résultats. Une des solutions pourrait être, non pas de supprimer les bonus, mais de les plafonner.
*Christian de Boissieu, auteur de «25 questions décisives sur la crise financière: la crise et après?» (Collin) - A paraître.