Que vient faire l'armée française dans les Emirats?
Nicolas Sarkozy a inauguré ce mardi une base militaire permanente française à Abou Dhabi, la capitale des Emirats arabes unis. Lancé un an et demi à peine après le lancement du projet, le «Camp de la paix» français doit héberger dès juillet plus de 400 soldats sur trois sites. Une base navale et de soutien logistique dans le port d'Abou Dhabi, une base aérienne où stationnera un détachement d'au moins trois avions de combat et un camp d'entraînement au combat urbain en zone désertique. Cette implantation dans le Golfe illustre à la fois un changement stratégique et une continuité dans la politique de défense française. 20minutes.fr fait le point.
Une première. Cela faisait cinquante ans que la France n'avait pas ouvert de base militaire permanente hors de son territoire national. Il s'agit par ailleurs de la première implantation dans le Golfe persique et donc de la seule à ne pas être située en Afrique. Jusqu'à présent, l'armée française ne disposait de bases permanentes qu'au Sénégal, en Côte d'Ivoire, au Tchad, au Gabon et à Djibouti.
Un aboutissement. Cette coopération avec les Emirats arabes unis ne date pas d'hier. Le premier accord a été signé en 1977, rappelle Jean-Vincent Brisset, directeur de recherche à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris). Mais c'est surtout depuis 1995 que la France et les Emirats arabes unis sont liés par un accord de défense important. Nicolas Sarkozy s'inscrit donc dans la lignée de ses prédécesseurs, même si l'implantation militaire marque «une montée en puissance» de cette coopération, estime Jean-Pierre Maulny, directeur adjoint de l'Iris. L'intérêt est réciproque: la France se fait une place dans un territoire sous influence anglo-saxonne et les Emirats sortent de leur dépendance à l'égard des Etats-Unis.
Un emplacement stratégique. Nicolas Sarkozy l'a indiqué lui-même: ce déploiement au bord du stratégique détroit d'Ormuz concrétise d'abord l'intérêt de la France pour une région où transitent, le long de l'Iran, quelque 40% de la production pétrolière de la planète. En s'implantant à Abou Dhabi, la France «bénéficie d'un nouveau point d'appui dans l'arc de crise moyen-oriental, analyse Jean-Pierre Maulny. En cela, elle reste dans une stratégie de "pré-positionnement" de ses forces militaires, à l'instar des Etats-Unis. C'est coûteux, mais cela permet d'être plus rapidement disponible en cas de besoin.»
Un positionnement face à l'Iran. D'aucuns voient dans l'implantation française aux Emirats une façon de se positionner face à l'Iran, dont les rives ne sont qu’à 225 km d'Abou Dhabi. L'Hexagone prendrait ainsi le risque d'être en première ligne en cas de conflit. «Si l'Iran attaque les Emirats, il attaque aussi les Français», confie un diplomate au «Figaro» daté de mardi. «Une attaque iranienne des Emirats paraît bien peu probable», relativise Jean-Vincent Brisset. Un avis partagé par Jean-Pierre Maulny: «Il s'agit davantage d'une menace économique. L'Iran pourrait bloquer le détroit d'Ormuz, par où transite le pétrole. Dans ce cas, on est en sas.» Autrement dit, prêt à intervenir.
Une vitrine. Nicolas Sarkozy n'a pas caché sa volonté de faire de la base française une vitrine de la technologie militaire tricolore. Il devait d'ailleurs conclure sa courte visite à Abou Dhabi ce mardi après-midi par une démonstration du Rafale, le nouveau chasseur de Dassault jusque-là invendu à l'exportation. «C'est une vitrine pour les matériels français aux Emirats mais aussi dans le monde entier, commente Jean-Vincent Brisset. En étant présente dans l'Océan indien, la marine française s'expose à toutes les autres forces navales présentes dans ce secteur.»
L'exportation du savoir-faire français en matière nucléaire est également en jeu. La France représente un marché potentiel pour ces pays producteurs de pétrole confrontés à la nécessité de diversifier leurs débouchés en termes d'énergie. Nicolas Sarkozy a d'ailleurs profité de sa visite pour faire la promotion du consortium français composé d'Areva, GDF-Suez, Total et EDF, en compétition serrée pour la fourniture de réacteurs nucléaires de nouvelle génération.