Guerre en Ukraine : Une artère de Kiev rebaptisée au nom d’un responsable nazi ? Prudence…

FAKE OFF Stepan Bandera a effectivement collaboré activement avec l’Allemagne nazie durant la Seconde Guerre mondiale

Lina Fourneau
Une procession en hommage à Stepan Bandera le 1er janvier 2022 (illustration)
Une procession en hommage à Stepan Bandera le 1er janvier 2022 (illustration) — Anna Marchenko/TASS/Sipa USA/SIPA
  • Dans un post largement relayé sur Twitter, le candidat à la présidentielle François Asselineau s’indigne du fait que Kiev ait débaptisé son « avenue Moscou » pour la renommer en hommage à « l’un des principaux Ukrainiens nazis ».
  • Cette décision a bien été prise, mais en 2016 – bien avant l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe –, en application des « lois de décommunisation » en vigueur dans le pays.
  • Stepan Bandera a effectivement collaboré activement avec l’Allemagne nazie durant la Seconde Guerre mondiale. Toutefois, comme nous l’explique Sabine Dullin, l’histoire de l’Ukraine n’est pas aussi simple à résumer en un mot.

Une artère de Kiev renommée au nom d’un responsable nazi ? C’est ce que relatait dimanche François Asselineau (UPR), candidat à la présidentielle à la peine dans le recueil des parrainages. « L’avenue de Moscou a été rebaptisée "avenue Stepan Bandera", l’un des principaux Ukrainiens nazis », s’alarme-t-il sur Twitter.

Des propos qui font écho à a rhétorique de Vladimir Poutine sur la prétendue nécessité de « dénazification de l’Ukraine ». Pour justifier son propos, François Asselineau cite un article du média suisse Le Nouvelliste, publié en réalité le 7 juillet 2016. « Ukraine : une avenue à Kiev renommée du nom d’un ancien collaborateur nazi », titraient alors nos confrères.

Pourquoi l’avenue de Moscou a-t-elle été renommée ? Stepan Bandera peut-il réellement être assimilé un responsable nazi ? 20 Minutes a mené l’enquête.

FAKE OFF

Comme l’indique l’article du Nouvelliste, la décision prise par la ville de Kiev remonte à 2016. Dans le cadre des « lois de décommunisation » adoptées en 2015, l’Ukraine a souhaité mettre à distance les symboles liés à un passé commun avec l’Union soviétique, mais aussi avec la Russie. En vertu de ces textes, le conseil municipal de la capitale a donc décidé de rebaptiser l’avenue de Moscou en « avenue Stepan-Bandera ».

« Une vision très ethnique »

« L’Ukraine a une histoire complexe. Ce n’est pas tout noir ou tout blanc, souligne Sabine Dullin, historienne spécialiste de la Russie et de l’Europe occidentale et autrice de L’Ironie du destin, une histoire des Russes et de leur empire (Payot). Stepan Bandera fait partie des héros de l’indépendance ukrainienne, même s’il a sa part d’ombre. »

A la suite du pacte germano-soviétique, signé en 1939, l’Ukraine est divisée en deux. « A l’Ouest, Stepan Bandera, leader de l’Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN) a souhaité collaborer avec les nazis pour lutter contre l’Union soviétique. Il cherche à obtenir leur soutien, mais n’y arrive pas et se fait même emprisonner », poursuit l’historienne. Avant de préciser : « C’est effectivement quelqu’un qui a une vision très ethnique du nationalisme ukrainien. Il rêvait d’un territoire national débarrassé des juifs, des Polonais et des Russes. »

Cette dernière semaine, certains manifestants ukrainiens ont d’ailleurs affiché leur attachement à leur pays en exhibant des drapeaux bicolores rouge et noir, correspondant à ceux de l’Armée insurrectionnelle ukrainienne, commandée par le nationaliste Stepan Bandera. Mais l’utilisation de ce drapeau est-il la preuve de la « nazification » de l’Ukraine décriée par Vladimir Poutine ? « On peut dénoncer le nationalisme intégral ukrainien de Bandera qui a des adeptes dans l’Ukraine contemporaine, mais beaucoup moins que ce que prétend Poutine », nuance Sabine Dullin.

Selon l’historienne, depuis 2014, « la construction nationale ukrainienne a pris une dimension plus civique qu’ethnique. » En 2015, les manifestations d'ultranationalistes ukrainiens à Kiev se revendiquant de Stepan Bandera avaient suscité les protestations de Moscou.