Guerre en Ukraine : La souveraineté de la Biélorussie en question face à l’appétit russe

INDEPENDANCE Si l’annexion n’est pas envisagée, le pouvoir en place est piloté par Moscou depuis les élections frauduleuses de 2020

X.R. avec AFP
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Le président biélorusse Alexandre Loukachenko a été soutenu par le Kremlin en 2020. Au prix de son indépendance.
Le président biélorusse Alexandre Loukachenko a été soutenu par le Kremlin en 2020. Au prix de son indépendance. — Peter Kovalev/TASS/Sipa USA/SIPA

Alors que la Russie poursuit son invasion de l’Ukraine, la Biélorussie semble risquer de perdre progressivement sa souveraineté au profit de son puissant voisin, du fait de l’affaiblissement de son président Alexandre Loukachenko vis-à-vis de Vladimir Poutine. Le chef de l’État biélorusse est déjà critiqué pour avoir autorisé la présence sur son territoire de troupes russes quelques semaines avant qu’elles n’envahissent l’Ukraine : quelque 30.000 militaires de Moscou, qui officiellement participaient à des exercices, se sont ainsi retrouvés à 200 kilomètres de la capitale ukrainienne Kiev.

À la tête depuis bientôt 30 ans d’un pays qu’il dirige d’une main de fer, Alexandre Loukachenko a en outre décidé de la tenue d’un référendum constitutionnel dimanche, qualifié d’illégitime par l’opposition et considéré comme une tentative de prolonger encore son séjour au pouvoir. Des amendements à la Loi fondamentale proposés par le régime s’avèrent particulièrement problématiques pour la souveraineté nationale : ils comprennent une modification du statut post-soviétique de neutralité de la Biélorussie, qui permettrait au pays d’accueillir en permanence des armes nucléaires et des forces russes.

Pas d’annexion en vue, mais un statut de satellite

Les Biélorusses « méritent mieux » que de devenir les « vassaux » de la Russie, a lancé vendredi le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, à l’issue d’une rencontre avec la cheffe de l’opposition biélorusse Svetlana Tikhanovskaïa à Paris. « La complicité du régime d’Alexandre Loukachenko dans l’invasion de l’Ukraine par la Russie, au mépris le plus total du droit international et des accords signés, marque une nouvelle et très grave étape dans le processus de soumission de monsieur Loukachenko à la Russie », a-t-il regretté.

L’annexion de la Biélorussie n’est pas l’option privilégiée par Moscou car elle « provoquerait le mécontentement et la résistance de la population », explique-t-elle. Mais avec des chars russes dans le pays, si Loukachenko reste « le visage du régime, le véritable pouvoir se trouve ailleurs », estime Olga Dryndova, du Centre de recherche pour les études est-européennes de l’Université de Brême. Alexandre Loukachenko avait ainsi été soutenu par le Kremlin après les élections d’août 2020, où des fraudes massives ont été dénoncées par l’opposition. Plus de 1.000 contestataires croupissent toujours en prison, selon l’opposition.

« Il peut penser que lorsque le Kremlin n’aura plus besoin de lui, il pourra s’en débarrasser »

Svetlana Tikhanovskaïa qui, selon l’Occident, avait remporté ces élections, vit désormais en exil. Dans une interview accordée à l’AFP cette semaine, elle a estimé que Loukachenko était prêt à sacrifier la souveraineté du pays parce qu’il était « reconnaissant » du soutien du Kremlin au lendemain de l’élection de 2020. « Nous voulons être amis avec nos voisins mais nous ne voulons pas être l’appendice d’un autre pays », a-t-elle aussi dit, lors de sa visite à Paris.

Alexandre Loukachenko, autrefois accusé par les États-Unis de diriger la dernière dictature d’Europe, a longtemps projeté une image de franc-tireur, apparaissant souvent en uniforme et émaillant ses commentaires d’expressions terre à terre et parfois vulgaires. Mais cette verve masque une grande faiblesse, la présence des troupes russes représentant une menace pour son propre pouvoir. « Il peut aussi penser qu’un jour, lorsque le Kremlin n’aura plus besoin de lui, il pourra s’en débarrasser », a commenté Svetlana Tikhanovskaïa.

Selon Olga Dryndova, il est probable que les autorités biélorusses n’avaient pas imaginé au départ que les soldats russes resteraient aussi longtemps et utiliseraient le pays comme rampe de lancement contre l’Ukraine. « Je n’ai pas l’impression que Loukachenko était favorable à cette option, avance-t-elle. Mais il n’est plus assez fort pour dire non à Poutine. »