Coronavirus en Inde : C’est quoi le « champignon noir » qui touche les patients contaminés par le virus ?

INFECTION Selon plusieurs spécialistes, la hausse du nombre de patients touchés par cette infection pourrait être liée aux stéroïdes, utilisés pour traiter les patients souffrant du Covid-19

Manon Aublanc
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Un patient atteint du Covid-19 dans un hôpital de Moradabad en Inde, le 5 mai 2021 (Illustration).
Un patient atteint du Covid-19 dans un hôpital de Moradabad en Inde, le 5 mai 2021 (Illustration). — Prakash SINGH / AFP
  • En Inde, de plus en plus de personnes sont touchées par le « champignon noir », une infection fongique appelée la mucormycose, qui peut être mortelle.
  • Cette infection frappe particulièrement les patients diabétiques, qui ont contracté le Covid-19 dans les semaines précédentes.
  • Selon plusieurs spécialistes, les stéroïdes, utilisés comme traitement pour les patients souffrant du Covid-19, pourraient avoir un lien avec la hausse de cas de mucormycose.

Au moment où l’Inde fait face à une violente deuxième vague de l’épidémie de coronavirus, avec 262.317 morts au total, de plus en plus de patients sont touchés par le « champignon noir », une infection fongique appelée la mucormycose, qui peut être mortelle, selon des témoignages de soignants rapportés par la BBC.

Cette infection, qui s’attaque aux tissus humains, semble toucher particulièrement les personnes diabétiques, mais également les personnes qui ont contracté le Covid-19 quelques semaines plus tôt. Voici ce que l'on sait de ce « champignon noir ».

Qu’est-ce que la mucormycose ?

La mucormycose est une infection fongique : des champignons, les Mucorales, viennent se propager et attaquer les tissus humains, qui subissent de lourds dégâts et finissent par nécroser. « On l’appelle champignon noir parce que les tissus infectés deviennent noirs, c’est très spectaculaire », explique le Pr Guillaume Desoubeaux, chef du service de mycologie médicale au CHU de Tours, au Figaro.

Ces champignons, qui s’attaquent le plus souvent à la tête – sinus, nez, yeux, cerveau – et aux poumons, sont présents partout, dans l’air et dans les sols, en particulier dans les endroits humides, sales et mal ventilés. « Les champignons sont partout dans notre environnement. On les trouve sur les plantes, les animaux, les insectes… Nous en respirons quotidiennement », ajoute Stéphane Bretagne, chef du service de parasitologie-mycologie de l’hôpital Saint-Louis, auprès de France 24.

Dans l’immense majorité des cas, ces champignons ne posent pas de problème. Mais lorsque l’infection se développe chez un patient, souvent de manière spectaculaire, elle peut être fatale. Selon les scientifiques, le taux de mortalité est supérieur à 50 %. Les patients infectés présentent plusieurs symptômes, comme le nez bouché, le saignement du nez, le gonflement des yeux, avec des douleurs, ou encore une vision floue. La plupart du temps, si des médicaments existent, la seule solution est d’opérer le plus rapidement possible pour enlever l’ensemble des tissus touchés avant que l’infection ne touche le cerveau. « Souvent, cette opération se conclut par une énucléation de l’œil, puis des semaines et des semaines de chirurgie réparatrice », précise Stéphane Bretagne à nos confrères.

Quels sont les patients touchés par ce « champignon noir » ?

Habituellement, la plupart des patients touchés sont des personnes fragiles, souvent atteintes d’autres maladies, comme le diabète : « Il s’agit surtout de malades d’hématologie, en chimiothérapie ou greffés de moelle, ainsi que de patients diabétiques », selon le Pr Lanternier, médecin spécialiste des infections fongiques à l’hôpital Necker- Enfants malades (AP-HP) et chercheuse au Centre national de référence des mycoses invasives à l’Institut Pasteur, citée par Le Figaro.

En Inde, le Dr Akshay Nair, chirurgien ophtalmologiste au Sion Hospital de Bombay, a expliqué à la BBC avoir pris en charge une quarantaine de patients infectés par cette infection en avril, quatre fois plus en un seul mois que ces deux dernières années. Même chose du côté de Bengalore, où le Dr Raghuraj Hedge, un autre chirurgien ophtalmologiste, a soigné 19 cas de mucormycose en deux semaines. Et les médecins indiens ont tous observé un point commun chez leurs patients : ils sont diabétiques et ils ont contracté le Covid-19 dans les semaines précédentes.

Le traitement contre le coronavirus est-il responsable de cette infection ?

Selon plusieurs spécialistes, les stéroïdes, utilisés comme traitement pour les patients souffrant du Covid-19, pourraient avoir un lien avec la hausse des cas de mucormycose. Ces médicaments, qui permettent de réduire l’inflammation des poumons, diminuent également l’immunité : « Le diabète abaisse les défenses immunitaires du corps, le corps l’exacerbe, puis les stéroïdes qui aident à combattre le Covid-19 agissent comme un carburant pour le feu », détaille le Dr Akshay Nair à la BBC.

« Le Covid-19 entraîne un dérèglement immunitaire qui, avec l’ajout de traitements par corticoïdes, altère fortement l’immunité (…) Tous ces paramètres peuvent faire le lit d’une infection fongique », abonde le Pr Guillaume Desoubeaux auprès du Figaro. Cité par France 24, Stéphane Bretagne souligne qu'« il n’y a pas de lien direct entre Covid-19 et mucormycose ». « Mais tous ces éléments combinés – explosion des cas de Covid-19, population nombreuse qui souffre du diabète et facteurs environnementaux – créent un environnement propice au développement de la maladie » en Inde.

Cette infection était déjà présente dans le pays, bien avant l’épidémie de Covid-19. Il détient même le plus fort taux d’incidence de mucormycoses au monde, avec 140 cas par million d’habitants et près de trois quarts des cas rapportés (71 %) dans le monde, selon une étude parue dans la revue spécialisée Journal of Fungi.