Mort de George Floyd : Derek Chauvin « coupable de meurtre », selon l’accusation, la défense demande son acquittement
COMPTE RENDU Après trois semaines, le procès de l’ex-policier Derek Chauvin s'est terminé, lundi, et le jury s'est retiré pour délibérer
- Les plaidoiries se sont terminées lundi au procès de Derek Chauvin.
- L'ex-policier a été inculpé de trois chef d'accusation, notamment du meurtre au second degré de George Floyd.
- En cas de condamnation, Derek Chauvin risque en théorie entre 10 et 15 ans de prison mais les procureurs pourraient demander une peine plus lourde.
De notre correspondant aux Etats-Unis,
Le procès s’est terminé comme il avait commencé : avec 12 jurés face aux images de l’agonie de George Floyd sous le genou de Derek Chauvin. Et lors des plaidoiries, ce lundi, l’accusation a insisté : « Vous pouvez faire confiance à vos yeux, ce n’était pas du maintien de l’ordre, c’était un meurtre. L’accusé est coupable. » L’ex-policier ayant refusé de témoigner, son avocat a tenté de semer un « doute raisonnable » dans l’esprit du jury sur la cause du décès de George Floyd, assurant que de nombreux facteurs – les drogues et la condition du cœur de la victime, notamment – avaient joué, avant de réclamer son acquittement.
Il appartient désormais au jury de tenter de s’accorder sur un verdict à l’unanimité. En cas de culpabilité, le juge Cahill sera ensuite chargé de déterminer une sentence. Pour la charge la plus grave, meurtre non-intentionnel au second degré, Derek Chauvin risque en théorie entre 10 et 15 ans de réclusion mais le procureur pourrait demander une peine plus lourde.
« Pas le procès de la police »
Aux yeux d’une grande partie du public, la mort de George Floyd est devenue le symbole des violences policières et du racisme systémique qui gangrènent l’Amérique. Mais Steve Schleicher, membre de l’équipe du procureur, a pris soin d’éviter ce prisme à double tranchant, en répétant que : « Ce n’est pas le procès de la police. C’est le procès de l’accusé, et il a trahi son badge. Il n’a pas respecté son serment : ''Protéger avec courage, servir avec compassion'' ».
Le procureur a remontré au jury les images de Derek Chauvin immobilisant George Floyd pendant 9 minutes et 29 secondes. Un « usage de la force non-raisonnable et disproportionné », ont témoigné le chef de la police de Minneapolis et l’ex-supérieur de Derek Chauvin. Et illustré par de terribles photos de l’autopsie, avec des bleus et des lacérations sur le côté du visage, l’épaule et le dos de la main de George Floyd pressés contre la chaussée.
Pour le procureur, il n’y « a aucun doute ». Comme l’a assuré un pneumologue la semaine dernière, George Floyd est décédé « d’un manque d’oxygène » car il « ne pouvait pas respirer » avec le poids de l’officier sur lui : « Vous pouvez croire vos yeux. Cette affaire, c’est ce que vous saviez depuis le début, ce que vous avez ressenti dans vos tripes, ce que vous savez désormais avec votre cœur : ce n’était pas du maintien de l’ordre, c’était un meurtre. L’accusé est coupable des trois charges. » Un peu plus tard, son collègue Jerry Blackwell a conclu ainsi : « On vous a dit que George Floyd est mort car son coeur était trop gros. La vérité, c’est qu’il est mort car le coeur de Derek Chauvin était trop petit »
Mission difficile pour la défense
Eric Nelson, l’avocat de Derek Chauvin, sait que les images qui ont fait le tour du monde ne sont pas favorables à son client. Il a donc cherché à élargir le contexte du drame. Vidéo à l’appui, il a montré au jury que « George Floyd a résisté et donné des coups de pied » lors de son interpellation. Selon lui, « immobiliser George Floyd était raisonnable pour sa sécurité et celle des officiers ». Pourquoi Derek Chauvin est resté aussi longtemps dans la même position ? Les policiers ont immédiatement appelé les pompiers, avec une caserne située « à quelques minutes ». Ils ont donc immobilisé George Floyd jusqu’à l’arrivée « des secouristes professionnels ». « N’importe quel policier raisonnable aurait fait de même », insiste Nelson, répétant le mot « raisonnable » plusieurs dizaines de fois lors de son argumentaire.
Mais la défense s’est surtout concentrée sur la cause du décès. Rappelant que George Floyd souffrait d’hypertension et d’hypertrophie cardiaque, que ses artères coronaires étaient bouchées « à 75 % et 90 % », que « des quantités importantes » de fentanyl et de méthamphétamines avaient été retrouvées dans son organisme, Eric Nelson s’est référé au rapport d’autopsie pour qualifier la mort de « décès multifactoriel ». « Suggérer que les drogues n’ont pas joué de rôle est absurde », a-t-il martelé après plus de 2h30 de plaidoiries, avant que le juge ne sonne l’heure de la pause déjeuner.
Reste un point de droit important. Pour un meurtre au second degré non-intentionnel, l’accusation doit prouver que George Floyd est décédé après des violences volontaires ayant joué un rôle « substantiel » de sa mort. En clair, il peut y avoir des facteurs secondaires. Mais aux Etats-Unis, un verdict doit être prononcé à l’unanimité, ce qui rend l’issue de tout procès incertaine. Le juge a conseillé aux jurés « d’espérer que les délibérations soient rapides. Mais préparez-vous à ce qu’elles soient longues ».