Procès en destitution de Donald Trump : Vidéo choc, avocats mal préparés… Première journée difficile pour l’ex-président

COMPTE RENDU Même s’il devrait logiquement échapper à une destitution, Donald Trump n’a pas vraiment été aidé par ses nouveaux conseils

Philippe Berry
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L'avocat de Donald Trump Bruce Castor au premier jour du second procès de Donald Trump devant le Sénat, le 9 février 2021.
L'avocat de Donald Trump Bruce Castor au premier jour du second procès de Donald Trump devant le Sénat, le 9 février 2021. — AP/SIPA

De notre correspondant en Californie,

Ils n’étaient pas prêts, et ça s’est vu. Au premier jour du procès en destitution de Donald Trump, qui s’est ouvert mardi devant le Sénat américain, ses avocats, embauchés il y a tout juste une semaine, ont passé un moment difficile tandis que les procureurs démocrates ont tiré à boulets rouges sur l’ancien président, mis en accusation pour « incitation à l’insurrection » après l’attaque du Capitole. S’il devrait logiquement échapper à une destitution et par conséquent à une possible inéligibilité, Donald Trump était « furieux » devant sa télévision, selon le New York Times. Après un vote des sénateurs qui a confirmé la constitutionnalité du procès par 56 voix contre 44, l’audience continue mercredi.

Une vidéo choc pour ouvrir les débats

Le procureur en chef démocrate, Jamie Raskin, a laissé les mots de Donald Trump et les actions de ses supporteurs parler d’eux-mêmes. Il a ouvert sa plaidoirie par une vidéo de 13 minutes présentant chronologiquement les événements de l’attaque du 6 janvier. On y voit d’abord le discours de Donald Trump promettant « d’arrêter le vol » de l’élection («stop the steal ») et inviter ses supporteurs à « marcher au Capitole ». Et puis un supporteur du président américain crie : « On va au Capitole, c’est par là ! »

Des milliers de partisans enfoncent les barrières de sécurité. Des centaines pénètrent à l’intérieur du Congrès, où les élus votaient pour valider les résultats du scrutin, en cassant des vitres et en forçant des portes. Des policiers débordés sont frappés à coups de drapeau ou de crosse. Les élus sont évacués quelques minutes avant que des émeutiers ne pénètrent dans les enceintes de la Chambre et du Sénat en scandant « Pendons Pence » et « Pas de Trump, pas de justice ». Deux heures après le début de l’attaque, Donald Trump lance un appel au calme dans une vidéo, tout en assurant : « On nous a volé l’élection » et en disant à ses supporteurs « Vous êtes spéciaux, je vous aime ».

« Au moins sept personnes ont perdu leur vie et 140 policiers ont été blessés », précise la vidéo. Ce total comprend un policier tué par des manifestants, une émeutière abattue par la police en tentant de forcer la porte du couloir menant à la Chambre, trois manifestants victimes d’urgence médicale décédés à l’extérieur du Capitole, et deux policiers qui se sont suicidés au cours des jours suivants. La vidéo s’achève par ce tweet de Donald Trump publié quatre heures après le début de l’attaque, dans lequel il appelait ses supporteurs à rentrer chez eux dans « le calme et la paix », concluant : « Voici ce qui se passe quand on prive des grands patriotes d’une victoire par un raz-de-marée. Souvenez-vous de ce jour à jamais. » Le procureur démocrate conclut en pointant vers l’écran : « Vous vous demandez quel est le crime [passible d’une destitution] ? C’est ça. »

La constitutionnalité du procès confirmée

C’était le moment le plus important de cette journée. Les sénateurs ont confirmé par 56 voix contre 44 que juger un ex-président après la fin de son mandat était bien constitutionnel. Six républicains ont voté avec les démocrates : Susan Collins, Lisa Murkowski, Ben Sasse, Pat Toomey, Mitt Romney et Bill Cassidy. Ce dernier, qui avait pourtant voté non à la même question fin janvier, a expliqué avoir été convaincu par l’argumentaire des procureurs.

Le chef des républicains, Mitch McConnell, lui, est resté fidèle à l’ex-président américain. Mais selon Bloomberg, il a indiqué en privé qu’il considérait que des élus pouvaient voter non sur la question de la constitutionnalité du procès mais oui à celle de la culpabilité de Donald Trump lors du verdict. L’ancien locataire de la Maison-Blanche possède toutefois une marge confortable : une conviction nécessite une majorité des deux tiers (67 sénateurs). A moins que 17 républicains ne le trahissent, il devrait donc échapper à une destitution, et à un second vote qui aurait pu le déclarer inéligible.

Des avocats de Trump pris de court

Le procès de Donald Trump a été repoussé de deux semaines, notamment pour laisser le temps à ses avocats de se préparer. Mais alors qu’il a été lâché par ses conseils, Donald Trump a été forcé d’embaucher, il y a huit jours, une nouvelle équipe menée par David Schoen et Bruce Castor. Dans un costume deux tailles trop grand, cet ancien procureur de Pennsylvanie a eu la lourde tâche de répondre à la vidéo des démocrates. Et il n’était visiblement pas prêt.

Se livrant à un argumentaire confus, il a en partie improvisé et s’en est expliqué : « Je vais être franc, on a changé ce qu’on allait faire car la présentation des procureurs était très bonne. » Il semblait s’attendre à ce que cette première journée ne porte que sur la question de la constitutionnalité du procès, et la vidéo de 13 minutes l’a contraint à revoir sa stratégie.


« J’ai vu beaucoup de plaidoiries d’avocats, et celle-là n’en faisait pas partie », a ironisé l’influent sénateur républicain John Cornyn. L’avocat Alan Dershowitz, qui avait défendu Donald Trump lors de son premier procès, a secoué la tête, dépité, sur la chaîne Newsmax, avec un jugement sévère contre son confrère : « Il n’y avait aucun argument. Je ne comprends pas ce qu’il fait. »