Non, cette femme n'a pas été battue et kidnappée par George Floyd, comme le laisse entendre un post Facebook

FAKE OFF Une publication mensongère circule sur Facebook au sujet d'une victime de George Floyd lors d'un cambriolage commis par ce dernier en 2007 aux Etats-Unis

Aymeric Le Gall
Un post facebook mensonger présente cette femme comme la victime d'un viol avec violences commis par George Floyd en 2007.
Un post facebook mensonger présente cette femme comme la victime d'un viol avec violences commis par George Floyd en 2007. — Capture d'écrans
  • La photographie mensongère d’une prétendue victime de George Floyd circule sur Facebook depuis plusieurs jours, où elle a été vue plus de 60.000 fois.
  • La personne en photo n’est pas la victime de cet Américain noir, tué par un policier de Minneapolis le 25 mai dernier, et condamné en 2007 pour « vol aggravé en possession d’une arme létale ».
  • Il s’agit en réalité d’une Américaine vivant à Madrid qui avait posté cette photo d’elle après s’être fait agresser et violer dans les rues de la capitale espagnole en décembre 2018.

Après avoir fait le tour des réseaux sociaux de la planète dans différentes langues, un post Facebook vient de faire son apparition en France depuis quelques jours. Ce dernier, visionné plus de 62.000 fois, présente la photographie d’une femme au visage tuméfié censée avoir été « agressée » et « kidnappée » par George Floyd lors d’un cambriolage aux Etats-Unis.

« PIQURE DE RAPPEL : voici la victime qui a été agressée par Floyd que vous avez érigé en martyr », écrit l’auteur de la publication, précisant par la suite que George Floyd, cet Américain noir de 46 ans tué par un policier de Minneapolis le 25 mai dernier, aurait braqué son arme sur le ventre de cette femme « alors qu’il cherchait de la drogue et de l’argent dans sa maison » et qu’elle « était enceinte ».

FAKE OFF

Interrogé par un utilisateur de Facebook sur la source de cette « information », l’auteur français de ce post lui répond le plus tranquillement du monde qu’il « ne sai[t] plus » où il a vu ça pour la première fois. Fichue syndrome du poisson rouge… Joint par 20 Minutes, notre homme n’a malheureusement pas retrouvé la mémoire. Et pour cause, la femme en photo n’est pas la victime du cambriolage en question mais une Américaine vivant à Madrid nommée Andrea Sicignano.

Celle-ci avait posté ce cliché sur le réseau social le 19 décembre 2018, afin de relater l’agression et le viol qu’elle avait subis dans la capitale espagnole après s’être perdue de nuit dans les rues de Madrid. Son post, partagé 45.000 fois, avait alors suscité une vague d’indignation envers son agresseur et lui avait valu une tonne de messages de soutien sur les réseaux sociaux.

Mise au courant de cette infox planétaire, Andrea Sicignano a vivement réagi sur Facebook le 12 juin dernier, expliquant en préambule que cette photo d’elle « a été prise dans un lit d’hôpital en Espagne après avoir été violemment battue et violée par un étranger ». « J’ai publié mon histoire il y a plus d’un an pour utiliser ma voix pour sensibiliser et encourager d’autres femmes à parler des injustices auxquelles elles ont été confrontées. Aujourd’hui, ma photo est utilisée comme propagande politique/appât à clic pour faire croire aux gens que George Floyd méritait de mourir. Je suis dégoûtée et humiliée, pas pour moi-même, mais pour mon pays », poursuit-elle.

Utilisée à son insu pour justifier la mort de George Floyd, cette jeune femme lance un appel : « S’il vous plaît, arrêtez d’obtenir vos "faits" sur Facebook. Cela n’est pas et ne devrait pas être utilisé comme une plateforme d’actualités. Si vous voyez cette photo être partagée, je vous demande personnellement de la signaler et de faire savoir la vérité. »

George Floyd condamné pour « vol aggravé en possession d’une arme létale »

Pour ce qui est de l’affaire de George Floyd, voici ce qui s’est réellement passé : condamné à neuf reprises entre 1997 et 2007, la plupart du temps pour vol et possession de drogue, l’homme originaire de Fayetteville, en Caroline du Nord, a bien été inculpé par l’Etat du Texas le 9 août 2007 pour « vol aggravé en possession d’une arme létale », comme le prouve ce procès-verbal que vous pouvez consulter ici. Lors de son audience, celui-ci a plaidé coupable avant de se voir infliger une peine de cinq ans de prison. Il sera finalement libéré en 2013. Ce jour-là, George Floyd était rentré de force avec cinq de ses complices au domicile d’Aracely Henriquez afin d’y dérober de la drogue et de l’argent. Voici le déroulé des faits tels qu’ils ont été relatés dans le procès-verbal.

« Le plus grand de ces suspects est entré de force dans la résidence, a placé un pistolet contre l’abdomen de la plaignante et l’a poussée de force dans le salon de la résidence. Ce grand suspect a ensuite fouillé la résidence pendant qu’un autre suspect armé gardait la plaignante, qui a été frappée à la tête et sur les côtés par ce deuxième suspect armé avec son pistolet après qu’elle a crié à l’aide. Alors que les suspects parcouraient la résidence, ils ont demandé à savoir où se trouvaient la drogue et l’argent et la plainte Henriquez les a informés qu’il n’y avait rien de tel dans la résidence. Les suspects ont ensuite emporté des bijoux avec le téléphone portable du plaignant avant de fuir les lieux dans le Ford Explorer noir. »

On le voit, si Aracely Henriquez a effectivement été frappée à plusieurs reprises, ce n’est pas George Floyd, décrit dans le procès-verbal comme « le plus grand des suspects », mais l’un de ses complices qui était à l’origine de ces exactions. Enfin, contrairement à ce que colporte le post Facebook qui nous intéresse aujourd’hui, rien n’indique dans le rapport que la victime était enceinte au moment des faits ni qu’elle a été kidnappée à la suite de ce cambriolage avec violence.