En Afrique, les albinos paient de leur vie les superstitions
Les albinos de Tanzanie et du Burundi sont victimes de meurtres liés à des croyances ancestrales. Une fois tués, des sorciers découpent leurs corps en morceaux, puis préparent une potion, vendue au payeur, bien souvent un notable de la société tanzanienne. On raconte que boire ce breuvage rendrait riche et beau pour l'éternité...
En mars, le président tanzanien, Jakaya Kikwete, avait ordonné des mesures énergiques contre toute personne mêlée à ces crimes. Depuis, 173 sorciers ont été arrêtés. Mais la situation ne se calme pas : fin octobre, alors qu'une marche de protestation était organisée à Dar-es-Salaam par l'Association des albinos de Tanzanie, une fillette de 10 ans était tuée le soir-même à l'autre bout du pays. Ses meurtriers ont emporté un de ses bras. Les rapports d'ONG opérant sur place font état de l'assassinat et de la mutilation, depuis mars, d'au moins vingt-cinq albinos.
La Tanzanie est pourtant considérée comme le pays le plus stable et le plus démocratique d'Afrique de l'Est. Officiellement, on recense plus de 8 000 albinos dans le pays. Mais l'Association des albinos de Tanzanie estime qu'ils pourraient être en fait près de 150 000, sur une population totale de presque 40 millions d'habitants. Le 3 septembre, le Parlement européen a adopté une résolution condamnant « vigoureusement » l'assassinat d'albinos dans ce pays et le commerce des parties de leurs corps dans un but lucratif. Parallèlement, des mesures ont été prises par le gouvernement tanzanien pour instaurer un recensement des albinos et mettre en place un service policier d'escorte des enfants atteints de cette anomalie lorsqu'ils se rendent à l'école. Et, depuis avril 2007, une députée albinos, Al-Shymaa Kway-Geer, siège au Parlement tanzanien.
Les albinos du Burundi vivent, eux aussi, dans la terreur. Surtout depuis les atrocités perpétrées, au mois d'août dernier, dans l'est du pays. Six personnes sont mortes. Leurs membres amputés auraient été acheminés vers la Tanzanie à des fins de sorcellerie. Victoria Gakobwa, une Burundaise albinos de 50 ans, célibataire, exprime le désarroi de ces personnes : « Nous avons été maudits. Outre les problèmes d'élimination physique, nous sommes depuis longtemps traumatisés. Nous sommes isolés, repoussés. Personne n'ose nous demander en mariage. » L'ONU a condamné fin novembre cette « chasse aux albinos au Burundi, due à des charlatans venus de Tanzanie ».
GÉNÉTIQUE L’albinisme est une anomalie génétique caractérisée par une absence de pigmentation de la peau, des poils, des cheveux et des yeux. Si aux Etats-Unis ou en Europe, une personne sur 20 000 est albinos, ce taux descend à un individu sur 4 000 en Afrique, où l’on tente de lutter contre ces crimes. Dans une pub, Vodacom, le premier opérateur téléphonique de Tanzanie, montre ainsi deux joueurs de foot, l’un noir et l’autre albinos, se serrant l’un contre l’autre. Un message de fraternité.