Turkménistan : Le président élève un chien au rang de symbole national
HEROS Un honneur au Turkménistan qui n’était auparavant accordé qu’au cheval Akhal-Teke
Un animal, autre que le cheval a gagné les faveurs du président au Turkménistan, un Etat reclus et autoritaire. Le chien de berger alabaï a été élevé au rang de symbole national, ce mardi, dans l’ex-république soviétique d’Asie centrale.
Cette race de chien au poitrail bombé et à la gueule puissante est le compagnon des nomades et de leurs troupeaux arpentant les terres désertiques de ce qu’est aujourd’hui le Turkménistan, depuis au moins 4.000 ans, a expliqué le chef de l’Etat Gourbangouly Berdymoukhamedov.
Le cheval Akhal-Teke, l’autre animal national par excellence
Les premiers turkmènes « voyaient dans le cheval leur rêve, et dans l’alabaï leur bonheur », a écrit le tout puissant dirigeant, qui est lui-même au centre d’un important culte de la personnalité, dans un récit publié cette année. En septembre, ce dernier a aussi présenté aux membres de son cabinet un poème sur le chien, « symbole de réussite et de victoire », qui a depuis été converti en chanson.
Il a peu après dévoilé les plans d’une statue du chien, qui pourrait mesurer jusqu’à 15 mètres et sera bientôt érigée dans la capitale Achkhabad, un honneur qui n’était auparavant accordé qu’au cheval Akhal-Teke, animal national par excellence célébré par le président turkmène dans plusieurs ouvrages. Si ailleurs, l’alabaï est considéré comme une sous-branche du Berger d’Asie centrale, au Turkménistan il est une race éminente, un patrimoine national.
« Consolider l’idée que le territoire du Turkménistan est fermement turkmène »
Pour les observateurs avisés de ce pays isolé au régime autoritaire, les fréquentes apparitions de Gourbangouly Berdymukhamedov avec un alabaï sont plus qu’une simple bizarrerie locale. L’animal fait partie des efforts pour démontrer l’existence séculaire d’une nation turkmène, alors que l’Asie centrale a plutôt été des siècles durant une zone sans réelles frontières où circulaient des tribus nomades. Celles-ci ont été pour l’essentiel sédentarisées par l’URSS, qui a tracé les frontières des Etats de la région, à l’instar de celles du Turkménistan.
Comme le cheval Akhal-Teke, race nationale célébrée pour sa grâce et sa beauté, l’alabaï « aide l’Etat à consolider l’idée que le territoire du Turkménistan est fermement turkmène », explique Victoria Clement, historienne et auteure du livre Apprendre à devenir turkmène. Choyé par les autorités, et dans la logique d’un pays vivant en quasi-autarcie depuis des décennies, l’alabaï est interdit d’exportation. La tentative d’un ambassadeur kazakh, en 2005, avait provoqué un scandale diplomatique.
Des combats canins arrêtés « quand l’un des chiens montre qu’il a peur »
Quelques rares dignitaires étrangers ont reçu un de ces chiens en cadeau, comme Vladimir Poutine, qui en a reçu un de Gourbangouly Berdymoukhamedov pour ses 65 ans en 2017. Autre moment de gloire, l’alabaï a été choisi comme mascotte des Jeux asiatiques d’arts martiaux en 2017, un des rares évènements internationaux que le Turkménistan a organisés. Au-delà de la propagande, ce chien a une réelle place dans le cœur des Turkmènes, en particulier dans le monde rural.
Certains alabaï sont aussi entraînés pour participer à des combats canins, un divertissement populaire dans le pays. Mais contrairement aux chiens errants, les représentants de la race nationale ne sont pas contraints de combattre jusqu’à souffrir de blessures graves, ni abattus. Les combats sont arrêtés « quand l’un des chiens montre qu’il a peur », explique Dovlet Kourikov, qui fut pendant plus d’une décennie à la tête de la principale association d’alabaï du pays.