Asile politique : « Le problème de la France, c’est qu’Edward Snowden lui demande de prendre position »
INTERVIEW « 20 Minutes » a interviewé Gérard Sadik, responsable des questions asile de « La Cimade » concernant la demande d’Edward Snowden de trouver l’asile politique en France
- Edward Snowden a indiqué son désir de trouver l’asile politique en France.
- Des déclarations sur lesquelles la France préfère pour le moment botter en touche.
- Pourquoi cette demande d’asile met-elle le pays dans l’embarras ?
Actuellement à Moscou, Edward Snowden ne cesse de tendre le pied à la France pour obtenir l’asile politique dans l'Hexagone. Dans une interview diffusée lundi sur France Inter, il déclarait qu’il « aimerait beaucoup » que la France lui accorde l’asile. Un souhait qui ne date pas d’hier, puisqu’il avait déjà tenté dès 2013. Pourquoi cette demande du lanceur d’alerte reste pour le moment lettre morte ? Gérard Sadik, responsable des questions asile de l’association La Cimade, répond aux questions de 20 Minutes.
Comment Edward Snowden peut-il obtenir l’asile en France ?
Pour que la demande d’asile aboutisse, il faut qu’Edward Snowden se trouve en France. Or, il est actuellement à Moscou et n’a pas de passeport. Deux choix s’offrent à lui. Il peut tenter de traverser l’Europe clandestinement pour arriver jusqu’en France, mais cela s’annonce compliqué vu sa notoriété et s’il se fait repérer en Pologne ou en Allemagne, il sera directement extradé vers les Etats-Unis. Soit il demande une procédure au ministre de l’Intérieur français, qui pourrait alors créer un visa longue durée à l’ambassade française. C’est d’ailleurs finalement un vieux marronnier, il avait déjà fait une telle demande en 2013 et en 2014 et Manuel Valls, le ministre de l’Intérieur de l’époque, avait refusé deux fois.
Pourquoi le dossier bloque-t-il depuis plusieurs années ?
Le problème, c’est qu’Edward Snowden demande à la France de prendre position et d’être active dans le dossier. S’il se trouvait directement sur le territoire français, il pourrait jouer de la convention de genève, argumentant qu’il risque des poursuites disproportionnées dans son propre pays, les Etats-Unis, pour avoir eu des prises de position contre le gouvernement. On peut être un réfugié politique même en provenance d’une démocratie, cela s’est déjà vu et il pourrait simplement se reposer là-dessus. Mais pour cela, il faudrait qu’il soit en France. Et vu que l’option de la traversée Moscou-Paris semble beaucoup trop risquée, c’est à la France de lui accorder un visa diplomatique, ce qui pose forcément problème.
Quels sont justement les problèmes posés par cette demande d’asile ?
On peut y voir plusieurs raisons. La plus évidente, c’est la tension que cela pourrait mettre entre les Etats-Unis et la France. Au-delà des problèmes diplomatiques, la CIA est implantée en France, et le pays devrait alors assurer la protection d’Edward Snowden, possiblement contre les services américains, ce qui encore une fois diplomatiquement n’est pas l’idéal. Enfin, Edward Snowden a également des renseignements sur la France et son espionnage, il peut devenir un réfugié très embarrassant pour le pays, et pas seulement vis-à-vis des Américains.