Japon: «On garde toujours un espoir» de retrouver Tiphaine Véron, un an après sa disparition

REPORTAGE La mère et le frère de la jeune femme ont organisé un rassemblement à Nikko, où Tiphaine Véron a été vue pour la dernière fois le 29 juillet 2018

Mathias Cena
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Damien Véron et Anne Désert à Nikko le 28 juillet 2019, un an après la disparition de Tiphaine Véron.
Damien Véron et Anne Désert à Nikko le 28 juillet 2019, un an après la disparition de Tiphaine Véron. — Mathias Cena / 20 Minutes
  • La Française Tiphaine Véron, âgée de 36 ans, a disparu au Japon le 29 juillet 2018.
  • Sa famille organisait ce dimanche matin un rassemblement à Nikko pour ne pas oublier la jeune femme, dont on est toujours sans nouvelles un an plus tard.
  • Les proches ne savent pas exactement où en est l’enquête de la police japonaise.

De notre envoyé spécial à Nikko (Japon),

« Ça fait un an qu’on se bat et ça ne va pas s’arrêter. On n’abandonnera jamais. » Devant la gare de Nikko, la ville japonaise la Française Tiphaine Véron a été vue pour la dernière fois le 29 juillet 2018, sa mère Anne Désert et son frère Damien Véron avaient organisé ce dimanche matin un rassemblement pour marquer l’anniversaire de sa disparition.

« Nous voulions aussi remercier les habitants de Nikko qui nous soutiennent et nous accueillent », explique à 20 Minutes Anne Désert, dont c’est la deuxième venue sur place. « Nous sommes arrivés traumatisés et perdus, mais ils ont toujours été là pour nous : ils sont extraordinaires, généreux et désintéressés. Même un an après, nous pensions arriver dans une ville un peu fantôme, mais ils ont entretenu la flamme de Tiphaine. »

La jeune femme de 36 ans, auxiliaire de vie scolaire dans un établissement de Poitiers, a posé ses valises il y a un an jour pour jour dans cette ville touristique située à 150 km au nord de Tokyo, première étape d’un périple solitaire dans l’Archipel. Le matin du 29 juillet, elle a quitté son auberge après le petit-déjeuner avec un sac léger, et n’a plus été revue depuis. L’enquête des policiers locaux et les recherches effectuées par la famille de Tiphaine Véron depuis un an n’ont donné aucune information concluante sur les circonstances de sa disparition.

« Venir ici est une manière de marcher dans ses pas, un an après »

Après un bref discours autour de boissons fraîches, le petit groupe de 25 personnes environ se met en marche sous un soleil de plomb, direction le Shinkyo, le « pont sacré » emblématique de Nikko, dont l’arche rouge vermillon enjambe la rivière Daiya. « C’est le premier endroit que Tiphaine a visité, explique son frère Damien, qui en est lui à son cinquième voyage au Japon depuis un an. Des caméras de surveillance l’y ont filmée et elle nous a envoyé des photos. Alors venir ici est une manière de marcher dans ses pas, un an après. »

Une fois la procession arrivée en vue du pont, la mère et le frère de Tiphaine Véron répondent aux questions des médias japonais, et remercient une nouvelle fois les habitants de Nikko pour leur chaleur et leur hospitalité. « Tiphaine était amoureuse du Japon. Et maintenant je suis tombé amoureux aussi, dit son frère. On espère qu’elle est en vie quelque part, qu’elle nous entend et que ça lui permet de tenir. Je garde toujours un espoir tant qu’on ne l’a pas retrouvée. »

La famille ne croit guère à une disparition volontaire, car la jeune femme « vivait vraiment à fond son voyage », qu’elle préparait depuis longtemps. Damien Véron et sa sœur Sybille ont également arpenté la région au mois de mai en compagnie de secouristes français, explorant la forêt à flanc de montagne et sondant la rivière dans laquelle leur sœur aurait pu tomber. Sans trouver, là non plus, le moindre indice laissant penser à un accident. Les proches de Tiphaine n’écartent donc pas la thèse de l’enlèvement, espérant toujours qu’un nouveau témoignage pourra faire avancer l’enquête. « Si quelqu’un sait ou a vu quelque chose, je vous en supplie, qu’il n’ait pas peur de le dire », déclare devant les caméras la mère de Tiphaine, écho à son poignant appel lancé vendredi sur Youtube.

« L’affaire dérange à Nikko »

« Cette disparition est très mystérieuse, convient Mirai Nakada, une interprète qui assiste la famille dans ses démarches. Les habitants y pensent beaucoup et tout le monde se demande ce qu'il s’est passé, on se sent impuissants. Bien sûr, comme Nikko vit du tourisme, on s’inquiète aussi de l’impact que cela peut avoir. »

« L’affaire dérange à Nikko », lâche Patrick Hochster, le président du comité de soutien à la famille, en tendant des pancartes aux badauds, les invitant à se joindre à la marche. Mais beaucoup les refusent poliment. « Il n’y a pourtant rien de politique », grommelle-t-il en montrant l’un des panneaux : sous une photo de la jeune femme disparue, on peut lire les mots « N’oubliez pas Tiphaine », en anglais et en japonais. « Il n’y a aucun responsable de la ville non plus, note-t-il. Ils hébergent la famille, mais évidemment cette affaire est une mauvaise publicité. » Certains dans le cortège évoquent même un « contre-ordre » venu dissuader les habitants et les commerçants de Nikko de se joindre au rassemblement.

Lenteurs de l’enquête et difficultés de communication

Depuis son arrivée à Nikko vendredi, le frère de Tiphaine Véron a rendu visite à un grand nombre de commerçants de la ville, distribuant flyers et remerciements. Mère et fils ont aussi rencontré des représentants de la police auprès desquels ils ont déclaré l’itinéraire de la marche pour obtenir l’autorisation nécessaire. Il avait été un temps envisagé de pousser jusqu’à l’auberge où était descendue Tiphaine, ce qui leur a été déconseillé par la police. Au fil des visites, la famille doit prendre garde de ne pas froisser commerçants et hôteliers et suivre les directives des autorités leur recommandant de se tenir à distance de l’enquête.

Tout au long de la marche, Damien Véron et Anne Désert ont un mot gentil pour chacun, répètent que les gens de Nikko sont « incroyables », soulignent les efforts de la police japonaise et la « bonne entente » des enquêteurs nippons avec leurs homologues français, dont une équipe s’est rendue à Nikko le mois dernier. Mais sous une sincère gratitude, pointent des accents de désespoir quand ils évoquent les lenteurs de l’enquête et les difficultés de communication, soulignant la lourdeur de la machine administrative et judiciaire. « La police donne des informations au compte-gouttes », râle Patrick Hochster.

« Le principal problème est de savoir ce qui a été fait, explique Damien Véron. L’ambassadeur français, que nous avons rencontré cette semaine, était aussi un peu désolé car il n’arrive pas à avoir de réponse concrète sur ce point. » Les policiers français sont repartis du Japon avec un dossier, dont la famille ignore tout du contenu en attendant sa traduction. « Pour septembre », espère Damien.