Russie: La réhabilitation de Staline avance au pays de Vladimir Poutine

POLITIQUE En juin dernier, Staline est arrivé en tête d'un sondage du centre indépendant Levada classant les personnalités les plus remarquables au monde...

20 Minutes avec AFP
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Staline était lui-même un champion de la censure.
Staline était lui-même un champion de la censure. — Jens Meyer

Un buste de Staline érigé à Moscou, le chef du FSB (services secrets) qui justifie les purges staliniennes, Vladimir Poutine qui félicite un écrivain glorifiant Staline… la réhabilitation du défunt dictateur avance en Russie.

Comme chaque année, le 5 mars, jour de la mort de Staline, des militants communistes vont déposer des fleurs sur sa tombe, située derrière le mausolée de Lénine, sur la place Rouge, juste devant les murailles du Kremlin, siège du pouvoir en Russie. Mais les communistes ne sont pas les seuls à réhabiliter l’un des dictateurs les plus sanguinaires du 20e siècle, mort en 1953.

Des bustes de Staline érigés dans plusieurs villes de Russie

Tout a commencé en 2009, quand la station de métro Kourskaïa à Moscou a été ornée d’une inscription disant : « C’est Staline qui nous a élevés dans la fidélité au peuple, qui nous a inspiré dans notre travail et nos exploits. » Les autorités ont expliqué alors que la station avait été rénovée pour retrouver son aspect de l’époque stalinienne.

Ces dernières années, des bustes de Staline ont été érigés dans plusieurs villes de Russie, y compris en septembre dernier au centre de Moscou, à l’initiative de la Société russe d’Histoire militaire, une organisation fondée par le président Vladimir Poutine et dirigée par le ministre de la Culture Vladimir Medinski.

Une personnalité qui divise

La personnalité de Staline continue à diviser profondément la société russe, certains voyant en lui le moteur de l’industrialisation du pays et l’artisan de la victoire sur l’Allemagne nazie, les autres dénonçant un tyran à l’origine d’une vingtaine de millions de morts, fusillés, envoyés dans les camps, morts de faim ou déportés en Sibérie.

En décembre, le chef du FSB (ex-KGB), Alexandre Bortnikov, a affirmé qu’une « part significative » des dossiers traités pendant les purges staliniennes « avait un contenu réel » et concernait des « conspirateurs » et des personnes « liées à des services de renseignements étrangers ».

« Le problème est que nos compatriotes ne comprennent tout simplement pas l’étendue des crimes de Staline et ne savent pas ce qu’ont été ses purges », affirme l’historien Ian Ratchinski, de l’organisation Memorial, principale ONG de défense des droits de l’Homme en Russie.

Pas question de se moquer de Staline

Le président russe avait lui montré l’ambiguïté de son rapport à Staline dans une interview accordée au réalisateur américain Oliver Stone en juillet dernier. Tout en soulignant que les horreurs du régime stalinien ne devaient pas être oubliées, il a fixé la limite de l’exercice en assurant qu'« une démonisation excessive de Staline est une façon d’attaquer l’Union soviétique et la Russie ».

Et pas question non plus de se moquer de Staline ! Le mois dernier, le ministère de la Culture a annulé à la dernière minute l’autorisation de diffusion en Russie d’une comédie burlesque franco-britannique d’Armando Iannucci, La mort de Staline, qualifiée de « raillerie insultante envers le passé soviétique, le pays qui a vaincu le fascisme et l’armée soviétique ».

La vente de souvenirs et de calendriers à son effigie dans des librairies, musées ou aéroports contribue à la banalisation de l’image de Staline, de même que de nombreux films diffusés sur les chaines de télévision publiques. Résultat : en juin dernier, Staline est arrivé en tête d’un sondage du centre indépendant Levada classant les personnalités les plus remarquables au monde de tous les temps.