Invitation d’Hariri à Paris: «Avec cette affaire, Emmanuel Macron enregistre un nouveau succès diplomatique»
INTERVIEW Frédéric Encel, spécialiste de géopolitique, professeur à Sciences Po Paris, explique pourquoi le Chef de l'Etat est intervenu dans ce dossier épineux...
- Saad Hariri a accepté l’invitation à venir en France d’Emmanuel Macron.
- Cette opération diplomatique du chef d’Etat français aurait plusieurs buts, selon Frédéric Encel, spécialiste du Proche-Orient.
Une issue dans la crise politique libanaise ? Le Premier ministre libanais démissionnaire, Saad Hariri, « a accepté l’invitation » du président français Emmanuel Macron à se rendre en France, a déclaré ce jeudi à Ryad le chef de la diplomatie française. Un soulagement pour les autorités libanaises qui accusent le royaume saoudien de retenir contre son gré Saad Hariri. Frédéric Encel, spécialiste de géopolitique, professeur à Sciences Po Paris, auteur de Mon Dictionnaire géopolitique* explique à 20 Minutes les raisons qui ont poussé la France à offrir son hospitalité à Saad Hariri.
Avec cette invitation de Saad Hariri, Emmanuel Macron semble se poser en médiateur dans le conflit qui oppose le Premier ministre libanais à Ryad. Qu’a-t-il à y gagner ?
La France veut redevenir une grande puissance dans les cénacles internationaux. Et c’est le moment pour le faire, avec le retrait relatif des Etats-Unis dans le Proche-Orient. Par ailleurs, l’Allemagne ne veut pas jouer cette partition et la Grande-Bretagne est pour l’heure empêtrée dans le Brexit. La France peut d’autant plus jouer ce rôle qu’elle a été très sévère avec l’Iran lors des négociations sur le nucléaire iranien. Elle est du coup considérée comme garante de l’accord qui a été conclu sur le sujet en 2015. Avec cette affaire Hariri, Emmanuel Macron enregistre un nouveau succès diplomatique. Et ce, alors que le président avait déjà marqué les esprits lors des visites de Poutine, de Trump et de Netanyahou à Paris.
S’agit-il aussi pour Emmanuel Macron de se rapprocher de l’Arabie saoudite ?
Oui, car la France était jugée trop proche du Qatar. En offrant une porte de sortie à Ryad dans ce dossier, la France fait un nouveau pas vers l’Arabie saoudite et rééquilibre ses relations au Proche-Orient. C’est d’autant plus finement joué que les Saoudiens ne veulent plus mettre tous leurs œufs dans le panier américain, car ils ont été échaudés par leurs relations avec Barack Obama. L’enjeu est aussi économique pour la France, qui renforce ainsi son positionnement pour remporter des marchés commerciaux dans ce pays, notamment dans le domaine de l’armement.
Cette invitation d’Hariri en France ne permet-elle pas également de renforcer les liens de l’Hexagone avec le Liban ?
Si, car il permet à Saad Hariri de sauver la face et de ne plus apparaître comme un pantin, assigné à résidence par un autre Etat. Et c’est essentiel pour la France d’entretenir son amitié ancestrale avec le Liban. Il faut aussi rappeler que la France avait déjà été une terre d’exil pour le président Aoun.
* Mon Dictionnaire géopolitique, Frédéric Encel, PUF, 2017.