VIDEO. Mohammed ben Salmane, l’homme «féroce» et «pressé» d’occuper le trône d’Arabie saoudite
MOYEN-ORIENT•Le ministre des Affaires Jean-Yves Le Drian a accueilli « MBS » au Bourget ce dimanche…V.V.
L'essentiel
- A 32 ans, Mohammed ben Salmane est le prince héritier d’Arabie saoudite.
- En pleine offensive de séduction des Occidentaux, le puissant prince héritie est arrivé ce dimanche pour une visite de trois jours en France, afin de vanter ses réformes et resserrer les liens avec Paris après des tensions liées aux crises régionales.
- Surnommé « MBS », Mohammed ben Salmane mise sur la jeunesse pour succéder à son père sur le trône du Royaume.
La journaliste Clarence Rodriguez* a travaillé pendant dix ans en Arabie saoudite. Elle en a ramené une connaissance fine de ce pays, illustrée par quelques images marquantes. « On a l’habitude de dire que la société saoudienne avance à la vitesse d’un chameau. Mohammed ben Salmane est, lui, au volant d’un bulldozer ! » résume-t-elle.
Pas faux, En novembre dernier, le prince héritier âgé de 32 ans, actuellement en visite de France, a écarté de son chemin vers le pouvoir une quarantaine de personnalités publiques, ministres, princes milliardaires et opposants politiques. Au nom de la lutte anticorruption, ils ont été arrêtés. Leurs comptes bancaires bloqués. Leurs jets privés cloués au sol.
Il apparaît à la tribune en simple tunique blanche
« De l’extérieur, cela paraît impressionnant, commente François-Aïssa Touazi, un ancien diplomate reconverti dans le privé. Mais ce n’est pas surprenant. La lutte anticorruption est l’une des priorités de Mohammed ben Salmane. Il en avait parlé dès qu’il a commencé à être connu. » C’était il y a deux ans à peine.
Le visage déjà mordoré par une épaisse barbe noire, celui que les médias commencent à surnommer « MBS » apparaît alors à la tribune d’une réunion de l’élite saoudienne dans l’hôtel Ritz-Carlton de Riyad. Comme le raconte Le Monde, ce jour-là, c’est autant son « plan de transformation nationale » qui marque les esprits que son thawb, la simple tunique blanche qu’il arbore alors que les hommes de l’assemblée ont tous revêtu la bisht, cette cape aux liserés dorés réservée aux grandes occasions.
Dans un pays où les traditions pèsent bien plus qu’ailleurs, « MBS fait fi des préceptes et des diktats, poursuit Clarence Rodriguez. Il fait fi de tout ce qui s’est passé avant lui. C’est un homme pressé. »
Le fils du roi Salmane et de sa favorite
Pour pouvoir faire cela, Mohammed ben Salmane bénéficie d’un soutien de poids. Son père, le roi Salmane en personne. MBS est le fils qu’il a eu avec sa troisième épouse, sa favorite. Contrairement aux autres enfants, MBS a délaissé les prestigieuses facultés américaines ou anglaises pour se contenter d’une licence de droit à l’université du Roi-Saoud, à Riyad et rester au plus proche de la figure tutélaire.
Suffisant pour se voir bombarder ministre de la Défense en 2015. C’est à ce titre qu’il déclenche les opérations militaires au Yémen contre les rebelles houthistes. C’est aussi à ce moment qu’il gagne le surnom de « Féroce ». Père de quatre enfants, il commence alors à étendre son influence, profitant de l’âge avancé de son père.
Après avoir écarté l’héritier au trône qui n’est autre que son cousin, il dévoile alors son grand projet économique. Le plan « Vision 2030 », ou comment offrir à l’Arabie saoudite un nouvel avenir alors que le prix du baril de pétrole s’effondre de jour en jour.
Un palais de 5 000 m² dans les Yvelines
Surtout, il s’assure de l’appui des classes moyennes en repliant doucement le voile religieux qui plane depuis des siècles sur le pays. « Il a accordé aux femmes le droit de conduire et celui d’assister à des rencontres sportives dans trois stades du pays. Il a aussi permis l’ouverture de cinémas », liste Clarence Rodriguez.
Très patriotes, les 70 % de Saoudiens qui ont moins de 30 ans lui seront aussi gré de lutter contre la corruption et l’entre-soi qui ont gangrené le pouvoir ces dernières années. Un point sur lequel MBS mise pour accéder sans heurts au trône à la mort de son père.
A condition qu’ils ne découvrent pas qu’il a investi des millions de dollars dont la provenance reste inconnue pour s’offrir un palais de 5 000 m² à Louveciennes (Yvelines), comme l’a révélé Mediapart, en juillet. « Les jeunes l’attendent au tournant, résume Clarence Rodriguez. S’ils s’aperçoivent qu’ils ont été trahis dans leurs espoirs, ils ne lui feront pas de cadeau. »
* Arabie saoudite 3.0. Paroles de la jeunesse saoudienne (Editions Erick Bonnier)