Pourquoi la Mafia adore les ordures?
SLATE De Naples au New Jersey, le crime organisé s'implique dans la collecte des déchets...
La semaine passée, le gouvernement italien a fait appel à l’armée pour évacuer les déchets qui s’accumulaient à Naples. Les habitants reprochent aux autorités de ne pas en faire assez contre la Camorra, la mafia locale. Elle contrôle la collecte des déchets et cause depuis plus de 10 ans des problèmes d’ordures.
Partout dans le monde, de Naples au nord du New Jersey de Tony Soprano, le crime organisé semble s’impliquer dans la collecte des déchets. Pourquoi les gangsters s’occupent-ils toujours des poubelles?
Cours d’introduction à l’économie de la mafia: trouver un business facile à pénétrer et qui rapporte. Les organisations criminelles se font beaucoup d’argent avec la drogue, le trafic d’être humains et la contrefaçon, mais c’est attractif aussi de créer un monopole sur les ordures: le business en lui-même est légal et les contrats publics sont lucratifs. Plus facile de transporter des poubelles d’un point A à un point B que de tenir un casino ou une épicerie. N’importe qui, avec un camion et quelques gars musclés, peut se faire de l’argent. Et il y a toujours de la demande.
Comment ça marche? La mafia organise les différents systèmes de ramassage d’une ville pour éviter que la concurrence ne fasse baisser les prix. Ils fixent les prix, truquent les offres et allouent les territoires d’une telle façon que le consommateur ne peut pas choisir qui ramasse ses poubelles. La Camorra, un groupe plus grand et plus vieux que la mafia sicilienne, contrôle cette industrie à Naples depuis un quart de siècle. La mafia harcèle les ramasseurs d’ordures qui ne sont pas des siens et leur extorque de l’argent. Dans le même temps, ses propres entreprises font très mal le boulot. Les groupes mafieux du pays ont aussi déversé dans la plus grande illégalité des déchets industriels toxiques à Naples et dans d’autres parties de l’Italie.
Les organisations criminelles ailleurs dans le monde trouvent aussi leur compte dans les poubelles. Dans certaines parties de Taiwan, les gangs creusent dans les rives pour trouver du gravier et le revendent pour la construction. Ensuite, ils remplissent les trous avec les déchets qu’ils collectent. Les chefs de la mafia géorgienne se sont effondrés quand la ville de Tbilissi a privatisé le transport d’ordures. A New York, la Cosa Nostra a plus ou moins dominé la collecte des déchets des années 1950 jusqu’à ce que Giuliani en prenne le contrôle dans les années 1990, quand il était maire. Tout cela a commencé quand des membres de la mafia ont infiltré le Syndicat des routiers, qui comprenait les conducteurs de camions poubelles : la mafia a ainsi pu choisir les entreprises pour lesquelles allaient travailler les chauffeurs et chasser les sociétés non mafieuses. (La mafia contrôle aussi le secteur de la construction via les syndicats).
Pour une grande organisation criminelle, le business déchets rapporte relativement peu en termes de revenus, comparé à ses activités traditionnelles comme les jeux d’argent, les rachats de dettes et les stupéfiants. C’est surtout vrai en Italie, où la mafia sévit dans beaucoup d’industries. On pense que la Camorra se fait 70 milliards de dollars par an, en grosse partie avec la drogue, les cigarettes de contrebande et les DVD, mais aussi grâce aux contrats publics dans les secteurs de la construction et du nettoyage. Un autre groupe italien, la Ndrangheta, est responsable de 80% du trafic de cocaïne en Europe. La mafia est si persuasive en Italie que, selon une grosse association professionnelle, elle contrôle une entreprise sur cinq dans le pays.