Irak: «L’attentat à Bagdad est lié à la reprise de la ville voisine de Fallouja»

INTERVIEW Chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), Karim Pakzad revient sur l’attentat qui a fait au moins 213 morts, ce week-end, dans la capitale irakienne…

V.V.
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Bagdad (Irak), le 3 juillet. Des Irakiens inspectent les décombres après un attentat qui a fait au moins 213 morts le 2 juillet sur un marché de Bagdad.
Bagdad (Irak), le 3 juillet. Des Irakiens inspectent les décombres après un attentat qui a fait au moins 213 morts le 2 juillet sur un marché de Bagdad. — SABAH ARAR / AFP

C’est l’un des attentats les plus meurtriers jamais perpétrés en Irak. Daesh a revendiqué, dimanche, l’attaque à la voiture piégée qui a causé la mort d’au moins 213 personnes sur un marché de Bagdad (Irak).

Le pays n’avait pas connu d’événement aussi tragique depuis plus d’un an. Chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) et spécialiste de l’Irak, Karim Pakzad décrypte pour 20 Minutes la situation sur place…

Daesh n’avait pas commis d’attentat aussi sanglant en Irak depuis un an. Comment peut-on décrypter cet événement tragique en plein cœur de Bagdad ?

Cet attentat est directement lié à la situation militaire en Irak et plus précisément à la reprise récente de la ville de Fallouja par l’armée irakienne. Depuis un an, on assiste à un recul net de Daesh dans les villes irakiennes. Tikrit, d’abord. Puis Ramadi. Et maintenant Fallouja. C’est en réponse à cette défaite militaire que cet attentat a été perpétré. Car Fallouja n’est pas une ville comme les autres pour Daesh.



Irak : la ville de Fallouja libérée du groupe EI par 20Minutes

Pourquoi ?

Fallouja est une ville symbolique située à 40 kilomètres à peine de Bagdad. C’est comme si Fallouja était dans la banlieue de Bagdad. C’était une ville à majorité sunnite. C’est là que la branche irakienne d’Al-Qaïda s’est formée en 2003 avant de devenir progressivement l’Etat islamique en Irak et au Levant puis l’Etat islamique. C’est donc une perte très symbolique pour les combattants de Daesh.

En conséquence, peut-on dire que cet attentat a été commis pour remobiliser les troupes de Daesh ?

Oui. Le mouvement veut réaffirmer qu’il existe. Comme tous les attentats, il s’agit d’un outil de communication interne. Daesh veut envoyer un signal à ses partisans en Egypte, en Libye, un peu partout. Il veut marquer les esprits. Daesh dispose encore de cellules à Bagdad. Le groupe aurait donc très bien pu attaquer un consulat. Mais là, il a choisi de s’en prendre à un marché très populaire en plein ramadan. Le but était de faire quelque chose de spectaculaire.

Des Irakiens pleurent cinq de leurs parents, tués le matin même dans un attentat suicide de Bagdad, lors de leurs funérailles dans la cité sainte irakienne de Najaf le 3 juillet 2016
Des Irakiens pleurent cinq de leurs parents, tués le matin même dans un attentat suicide de Bagdad, lors de leurs funérailles dans la cité sainte irakienne de Najaf le 3 juillet 2016 - Haidar HAMDANI AFP

Cet attentat peut-il, à votre avis, déstabiliser le pouvoir en place en Irak ?

Je ne crois pas que ce type d’attentat va intimider. Au contraire, cela risque plutôt d’encourager l’État irakien à lutter contre Daesh, notamment en visant désormais la ville de Mossoul. Le Premier ministre irakien est soutenu par la population et la communauté internationale.

Quant à l’armée, elle ne ressemble plus à ce qu’elle était en 2014. La coalition internationale a aidé à fond à sa reconstruction et à sa formation. Quarante milliards de dollars ont été investis pour acheter de l’équipement. Elle dispose désormais d’hélicoptères et d’avions de combat de type F16. Tout cela concourt à penser que Bagdad et l’Irak sont aujourd’hui dans de meilleures conditions pour lutter contre Daesh que la Syrie voisine.