Election américaine: Comment Donald Trump pourrait encore perdre la primaire républicaine

ETATS-UNIS Le candidat est de loin le favori mais il n'est pas assuré de remporter la majorité absolue des délégués...

Philippe Berry
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Les candidats républicains Marco Rubio, Donald Trump et Ted Cruz, lors du débat du 25 février 2016.
Les candidats républicains Marco Rubio, Donald Trump et Ted Cruz, lors du débat du 25 février 2016. — G.CORONADO/SIPA/AP

Donald Trump s’est imposé dans 11 Etats sur 14. On s’en fout. Il a remporté 34,2 % des voix. Cela ne veut rien dire. Car dans la primaire, le seul chiffre qui compte, c’est celui des délégués, ces grands électeurs qui voteront pour leur champion lors de la convention de Cleveland, fin juillet. Et s’il a pris de l’avance, Trump n’est pas assuré de remporter la nomination. Accrochez-vous, les maths donnent mal à la tête.

319 délégués sur 1.237 nécessaires, soit 26 %


Avec 319 délégués, selon le décompte de l’agence AP, Trump a fait un quart du chemin pour atteindre le chiffre magique de 1.237 : la majorité absolue. Mais Ted Cruz n’est pas si loin derrière, à 226. A 110, Marco Rubio a pris du retard, mais il mise sur des Etats plus favorables au cours des prochaines semaines. Le modéré John Kasich semble dans les choux, mais il compte sur un miracle (on vous explique ça plus loin). Ben Carson a enfin arrêté les frais ce mercredi.

Pour l’instant, Trump a remporté 46 % des délégués attribués

46 %, c’est un exploit alors qu’il y avait, au début, 15 candidats en lice. Mais cela reste sous la barre des 50 %. Cela signifie que Trump a besoin de remporter 52 % des délégués restants. C’est possible mais pas si simple, surtout quand le vote est partagé entre quatre candidats.

42.5 % des républicains ont une image négative de Trump


La popularité d’un candidat est un critère surveillé de près par les sondeurs. Le chiffre le plus important : la différence entre les opinions positives et négatives. Après une campagne à couteaux tirés, Trump est au plus bas, à +15 points, selon l’institut Gallup. Traduction, pour ceux qui sont nuls en équations : 57.5 % des républicains ont une bonne image de lui et 42.5 % une mauvaise. Cruz, un cowboy solitaire détesté par ses collègues au Sénat, ne fait pas mieux (57/43). En revanche, Rubio, avec son sourire de gentil garçon, bénéficie d’un plus grand capital sympathie (67/33 %) et donc, l'espère-t-il d'une plus grande marge de progression.

Comment on gagne des délégués, au fait ?

Il faudrait douze pages et un doctorat en bullshit pour l’expliquer. La version courte : plus un Etat est peuplé, plus il offre de délégués ; et le nombre remporté par un candidat est lié à son pourcentage des voix. Certains Etats, surtout au début de la primaire, fonctionnent à la proportionnelle : il y a 100 délégués en jeu, vous terminez à 12 %, vous gagnez 12 délégués. D’autres n’utilisent qu’une dose de proportionnelle, avec un seuil minimal à atteindre, souvent à 20 %. Du coup, quand Rubio termine à 17,7 % au Texas, il ne passe pas par la case départ et il ne touche pas 200 euros. Trump et Cruz, eux, se partagent le festin des 155 délégués. Enfin, certains Etats sont joueurs : c’est le « winner takes all », le vainqueur rafle tout. Ça sera notamment le cas en Floride et dans l’Ohio, le 15 mars.

Le 15 mars, l’heure de vérité

99 délégués sont offerts au vainqueur de la Floride, et 66 à celui de l’Ohio. Si Trump gagne dans les deux Etats, c’est terminé. S’il perd dans les deux, la course est relancée. S’il n’en gagne qu’un, il accentue son avance. Rubio espère s’imposer à domicile, en Floride, mais il a 20 % de retard sur Trump dans les sondages. Dans l’Ohio, John Kasich, gouverneur de l’Etat, est en revanche au coude à coude avec le milliardaire.

Il n’y a pas besoin de battre Trump pour le faire perdre

Plusieurs modèles s’affrontent pour lui faire barrage. Le premier : tous contre Trump, en se ralliant derrière Ted Cruz. Mais en un contre un, Trump pourrait bien dépasser les 50 %, surtout s’il a pris assez d’avance d’ici la mi-mars. Le second modèle : diviser pour mieux régner. L’idée, c’est de garder Cruz, qui se débrouille bien dans le Sud, et Rubio ou Kasich, qui font mieux dans les Etats modérés. L’espoir n’est pas de battre Trump mais de le maintenir tous la barre des 1.237 délégués. On aurait alors une « brokered convention » à Cleveland, fin juillet, une convention ouverte, a.k.a, le rêve de Kasich. Dans un tel cas de figure, qui n’est pas arrivé depuis les années 50, les délégués sont « libérés » et peuvent voter pour n’importe qui. Y compris pour un homme providentiel, qui n’était pas candidat, comme le président de la Chambre, Paul Ryan. Mais cette histoire, on vous la racontera une prochaine fois.