Allemagne: Le parti anti-islam Pegida dopé par la crise des réfugiés

POPULISME Le mouvement né à Dresde, après qulques déconvenues en début d'année, s'est «radicalisé»…

Laure Cometti
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Une pancarte brandie lors d'une manifestation du mouvement anti-islam allemand Pegida, à Dresde (Allemagne), le 12 octobre 2015.
Une pancarte brandie lors d'une manifestation du mouvement anti-islam allemand Pegida, à Dresde (Allemagne), le 12 octobre 2015. — ROBERT MICHAEL / AFP

Il y a un an, le 20 octobre 2014, naissait le mouvement des Patriotes européens contre l’islamisation de l’Occident (abrégé Pegida en allemand) à Dresde, dans l’est de l’Allemagne. En une année, Pegida a connu des périodes de creux. Dopé depuis quelques mois par la crise des réfugiés, le mouvement espère marquer un coup lors d’une manifestation prévue ce lundi après-midi dans son fief en Saxe.

Un second souffle 

Le 20 octobre 2014, environ 500 personnes manifestaient à Dresde, dans l’est de l’Allemagne, suite à l’appel lancé sur Facebook par Lutz Bachmann contre l’installation de camps de réfugiés en Saxe. Rapidement, le nombre de manifestants croît, passant de 5.000 fin novembre 2014, à 25.000 fin janvier, après les attentats contre Charlie Hebdo et l’Hypercacher à Paris. Puis le mouvement s’est essoufflé, avant de retrouver un second souffle.

« La crise des réfugiés a donné à Pegida un nouvel élan, comme à l’ensemble de l’extrême droite allemande », note Johannes Kiess, sociologue à l’université de Leipzig. Depuis septembre, les rangs des manifestants grossissent à nouveau. Ils étaient 5.000 à Dresde le 7 septembre dernier, puis entre 7.500 et 9.000 les semaines suivantes. « Cette crise migratoire permet à Pegida d’exploiter la grogne et l’angoisse d’une partie de la population de l’ex-RDA, très peu habituée à vivre avec des étrangers », souligne Isabelle Bourgeois, chercheur au Centre d’information et de recherche sur l’Allemagne contemporaine (CIRAC).

Un mouvement qui s’est radicalisé

Le 21 janvier 2015, Lutz Bachmann est contraint de quitter la tête de Pegida après la publication dans le quotidien Bild de photos où il apparaît grimé en Hitler. Fin janvier, cinq cadres du mouvement claquent la porte, dont la remplaçante de Lutz Bachmann. Depuis la réélection de ce dernier en février, « le mouvement a amorcé une phase de radicalisation, qui se traduit au niveau du noyau du mouvement par des discours et des symboles plus violents, même si les thèmes restent l’anti-islam, l’anti-immigration et l’anti-establishment », analyse Johannes Kiess.

Samedi, Henriette Reker, candidate à la mairie de Cologne, a été poignardée par un homme opposé à l’arrivée de réfugiés. Cette attaque révèle « que le potentiel d’agressivité du mouvement est en train de croître », a estimé ce lundi le porte-parole du ministère de l’Intérieur. Elle fait craindre une escalade de la violence anti-réfugiés, alors que l’Allemagne attend un nombre record de 800.000 demandeurs d’asile cette année. « Face à la montée des actes anti-migrants, la réaction de la police et de la classe politique n’a pas été assez sévère », note Johannes Kiess, qui observe une légère « banalisation de la violence ».

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Un phénomène circonscrit à l’est du pays ?

En un an, Pegida s’est toutefois imposé au cœur du débat public. « Chaque manifestation de Pegida donne lieu à une contre-manifestation, rappelle Isabelle Bourgeois. Les dirigeants politiques s’impliquent, de l’échelle locale au plus au niveau de l’Etat ». Invitant les Allemands à ne pas participer à la manifestation de Pegida, la chancelière Angela Merkel a réitéré ce lundi un message prononcé lors de son discours du Nouvel An 2015 : « Ne suivez pas ceux qui ont des préjugés, et même de la haine dans le coeur ».

Et malgré une médiatisation qui dépasse les frontières allemandes, « le phénomène Pegida reste circonscrit à l’Allemagne de l’Est », affirme Isabelle Bourgeois. Malgré les tentatives de ses dirigeants, Pegida n’a pas vraiment essaimé hors de son fief de la Saxe.