Bébé palestinien brûlé vif: «Désigner les colons comme des terroristes est un fait nouveau pour Israël»

CONFLIT Un bébé palestinien a été brûlé vif ce vendredi par des colons israéliens, en Cisjordanie occupée. Un acte qui a provoqué une réaction forte d'Israël et d'intenses critiques des Palestiniens. Décryptage...

Jane Hitchcock
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Les Palestiniens ont procédé aux funérailles de l'enfant, vendredi 31 juillet.
Les Palestiniens ont procédé aux funérailles de l'enfant, vendredi 31 juillet. — Majdi Mohammed/AP/SIPA

Vendredi matin, des hommes armés ont pénétré dans une maison occupée par une famille palestinienne en Cisjordanie occupée, brûlant vif un enfant. Les Palestiniens tiennent pour responsable l’Etat israélien, car les attaques de colons extrémistes se multiplient ces dernières années, tandis que le gouvernement Netanyahou favorise la construction de colonies. Le gouvernement Netanyahou cherche-t-il à empêcher ces exactions ? Quelle est la réalité de sa politique et quels sont les enjeux ? 20 Minutes fait le point.

L’attaque de vendredi qualifiée d’acte « de terrorisme »

L’attaque de vendredi contre un enfant palestinien âgé d’un an et demi et ses parents, brûlés vifs, en Cisjordanie occupée, est dénoncée comme un « acte de terrorisme » par Benjamin Netanyahou. Qui est allé jusqu’au chevet de la famille de l’enfant tué, blessé. Cet acte et ce qualificatif très rare, ainsi que les condamnations unanimes des dirigeants israéliens ne convainc pas les Palestiniens. Ces derniers tiennent le gouvernement Netanyahou « entièrement responsable » de la mort de l’enfant, y voyant la « conséquence directe de décennies d’impunité accordée par les autorités israéliennes au terrorisme des colons ». L’Organisation de libération de la Palestine estime qu'« on ne peut dissocier cette attaque barbare » d’un « gouvernement qui représente une coalition pour la colonisation et l’apartheid ».

« A terme, les colons sont un péril pour la survie d’Israël »

« La droitisation de la politique d’Israël (notamment en matière d’extension des colonies) est incontestable et dangereuse. Elle repose sur une alliance du gouvernement Netanyahou avec les extrémistes qui encourage, par son discours, la politique de colonisation », estime le politologue Dominique Moïsi, conseiller spécial à l’institut français des relations internationales (Ifri). Il note toutefois la réaction très forte du Premier ministre israélien : « On ne saurait condamner avec des mots plus fermes ce qui s’est passé vendredi. Désigner les colons en employant le terme de terroristes, généralement attribué aux Palestiniens, est un fait nouveau pour Israël ». Le géopoliticien insiste : « Faut-il y voir un signe ? Les auteurs de ces actes seront-ils poursuivis, jugés et emprisonnés jusqu’à la fin de leurs jours ? Il va falloir être attentif à la situation de ces prochains jours. Les actes doivent suivre les mots car, à terme, les colons sont un péril pour la survie d’Israël ».

« Une véritable épidémie » d’exactions impunies

Car c’est là où, entre autres, le bât blesse. La Paix Maintenant, une ONG israélienne opposée à la colonisation des territoires palestiniens rappelle que ce genre « d’agressions de la part des colons est devenue une véritable épidémie ». En mai, l’organisation israélienne Yesh Din estimait que 85,3 % des plaintes de Palestiniens après des attaques de colons étaient classées sans suite. Seuls 7,4 % des plaintes conduisent à des actes d’accusation et seulement un tiers de ces poursuites conduisent à une condamnation, selon Yesh Din. Après un rapport publié mercredi et intitulé Black Friday : carnage in Rafah dans lequel Amnesty International accuse Israël de « crimes de guerre », Martine Brizemur explique : « Les violences des colons envers les Palestiniens sont répandues et en pleine recrudescence, tandis que les auteurs ne sont jamais poursuivis… ». Chargée de la commission Israël et territoires palestiniens occupés, la responsable demande « l’ouverture d’enquêtes indépendantes » pour ce peuple, « censé être protégé dans un territoire occupé, et colonisé de manière illégale » et renvoie au document La Gâchette facile, publié en mars 2014 à ce sujet.

Un « cercle vicieux », qui rend le processus de paix « impossible »

D’après le livre et le documentaire de Charles Enderlin, le correspondant permanent de France 2 à Jérusalem, la montée en puissance du sionisme religieux depuis la guerre des Six-Jours, en 1967, est l’une des raisons majeures de l’impasse totale dans laquelle se trouve le conflit israélo-palestinien. Le reporter montre comment la conquête symboliquement inestimable de la vieille ville de Jérusalem a ouvert la voie à l’idée d’une revanche. Dès lors, il n’y avait plus rien à négocier, pour les radicaux, puisque c’est Dieu qui a accordé les droits sur la terre au peuple juif. Les colons étaient 20.000 en 1977, 70.000 dix ans plus tard. Aujourd’hui, on estime leur nombre en Cisjordanie à 380.000. Leurs voix ont pesé lourd dans la victoire surprise du Likoud aux élections du 17 mars…

« Qui, parmi ces 380.000 colons, a suivi une logique économique ? », s’interroge le politologue Dominique Moïsi. Selon lui, « il y a ceux qui partent vivre sur ces territoires occupés parce que les logements y sont moins chers, et ceux qui y vont car, dans leur esprit, ils se considèrent comme l’avant-garde d’Israël dans les territoires qu’ils pensent leur appartenir. Et ces deux logiques ne se rapprochent pas toujours ». Le conseiller assène : « L’explosion du nombre de colons est un cercle vicieux. Plus il y a de migrants, plus la recherche d’une solution pacifique devient impossible ».