Quand le ciel bas et lourd... protège Al-Qaïda

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Photo prise le 25 avril 2012 du site où se trouvait le refuge détruit de ben Laden à Abbottabad, au Pakistan
Photo prise le 25 avril 2012 du site où se trouvait le refuge détruit de ben Laden à Abbottabad, au Pakistan — AAMIR QURESHI AFP

Un ciel bas et lourd pour échapper aux drones et la crainte de minuscules détecteurs injectables: la sécurité était une obsession pour Oussama ben Laden.

Ainsi, dans une lettre datée du 26 septembre 2010, Ben Laden donne des instructions précises pour que son épouse puisse le rejoindre sans le trahir par mégarde, selon des documents saisis lors du raid qui a coûté la vie au chef d'Al-Qaïda et obtenus par l'AFP.

Cette missive, ainsi qu'une centaine d'autres documents déclassifiés ont été traduits en anglais par la CIA. Il n'était pas possible de vérifier indépendamment l'origine des documents ni la qualité de la traduction.

«Avant que Oum Hamzah n'arrive ici il est indispensable qu'elle laisse tout derrière elle, y compris vêtements, livres, tout ce qu'elle possédait en Iran. Tout ce qu'une aiguille peut éventuellement pénétrer», écrit-il avant d'expliquer: «Des puces (électroniques, ndlr) ont été développées récemment pour espionner, si minuscules qu'elles peuvent facilement être cachées dans une seringue».

«Et comme on ne peut pas faire confiance aux Iraniens, il est possible d'implanter une puce dans certaines des affaires que vous avez apportées avec vous», affirme-t-il.

Il ne se doute pas que la CIA surveille déjà sa résidence secrète au Pakistan.

Oum Hamzah -la Saoudienne Khairiah Sabar- était l'une des trois épouses présentes lors du raid de commandos américains sur la résidence secrète de Ben Laden à Abbottabad. Elle a été arrêtée par les autorités pakistanaises après le raid.

Dans une autre lettre, non datée, Ben Laden résume sa philosophie en matière de sécurité: ça marche si on ne dévie jamais des instructions.

«Les procédures de sécurité dans notre situation doivent être appliquées à tout moment et il n'y a aucune marge d'erreur», souligne-t-il.

 

- Garde tes ordonnances -

 

Au fil des documents, Ben Laden ou ses lieutenants multiplient les conseils pratiques. 

«Nous ne pouvons aller voir des médecins, prends donc tes précautions, en particulier pour tes dents, et garde les ordonnances de tous les médecins que tu vas voir pour que nous puissions avoir les médicaments quand tu nous auras rejoints», écrit le chef d'Al-Qaïda.

«En ce qui concerne l'utilisation d'internet pour correspondre, on peut le faire pour des messages très généraux, mais le secret dont doit s'entourer le moujahidine ne permet pas de l'utiliser, les coursiers étant le seul moyen», peut-on encore lire dans un échange entre «OBL» et l'un de ses lieutenants.

L'un d'eux répond en substance que c'est quand même pratique. 

«C'est très compliqué. Comment fait-on pour communiquer en Algérie, Irak, Yémen et en Somalie ? Parfois il n'y a pas d'autre moyen, si on prend ses précautions», écrit le numéro deux du groupe, Atiyah Abd al Rahman, dit Mahmoud.

Il recommande aussi de détruire les «puces électroniques» qui circulent entre lui et son chef et de les changer régulièrement.

Non sans arrogance, Ben Laden estime que «les faits prouvent que la technologie américaine et des systèmes sophistiqués ne peuvent pas capturer un moujahidine si aucune violation des règles de sécurité ne mène à lui».

Pour illustrer la chose, son numéro deux évoque la mort par «bombardement» d'une vingtaine de combattants, et se lamente qu'ils n'aient pas suivi les consignes: pas plus de cinq réunis à la fois, rappelle-t-il.

Mais cette technologie et en particulier les avions sans pilotes armés de missiles de la CIA font des dégâts dans l'organisation et limitent les déplacements.

Les vols de drone au-dessus du Pakistan, qui se sont fortement intensifiés sous la présidence de Barack Obama, ont coûté la vie à de nombreux militants (et des centaines de civils) et forcé les autres à constamment scruter le ciel.

Dans une lettre à Ben Laden datée du 24 novembre 2010, Mahmoud, évoque «un ciel nuageux clément» avant de lancer la femme du chef sur les routes. Ironie du sort, il sera lui-même tué en août 2011, quelques mois après Ben Laden, par un drone armé au Pakistan, sans doute opéré par la CIA.