Grèce: Nouvelle course contre la montre après l'accord arraché à Bruxelles
MONDE Le Premier ministre grec doit présenter d’ici lundi un catalogue de réformes pour entériner le compromis arraché vendredi soir à Bruxelles…
48 heures. C’est le temps que les créanciers de la Grèce ont laissé à Alexis Tsipras pour présenter son programme de réformes. Et valider l’accord arraché de haute lutte vendredi soir à Bruxelles au terme de trois rounds de laborieuses négociations à Bruxelles.
L’enjeu est vital pour le nouveau dirigeant d’extrême gauche : il s’agit non seulement d’écarter le spectre d'une sortie de la Grèce de l'euro, et d’assurer la survie budgétaire du pays en décrochant quatre mois de financement supplémentaire, jusqu'à fin juin… mais aussi de sauver quelques-unes de ses promesses électorales.
Or la rallonge concédée vendredi par l’Eurogroupe est assortie de conditions extrêmement strictes qui laissent peu de temps et peu de marges de manœuvre au gouvernement grec.
Athènes «coauteur des réformes et de sa destinée» ?
Dans une allocution télévisée samedi, le Premier ministre Tsipras a estimé avoir «gagné une bataille», balançant entre l'apologie d'un accord qui «laisse derrière (lui) austérité, mémorandum, troïka» et la lucidité sur la «route longue et difficile» qui attend le pays.
Le bilan se mesurera à l'aune des réformes que l'exécutif grec doit présenter d'ici lundi soir à ses créanciers, désormais désignés sous le terme d'«institutions» (UE, BCE et FMI) - le mot «troïka» étant banni- et sur la base desquelles l'accord sera entériné ou non, lors d'une conférence téléphonique de l'Eurogroupe mardi.
«Je suis absolument certain que la liste des réformes sera approuvée», a déclaré samedi soir le ministre des Finances Yanis Varoufakis à l'issue du conseil des ministres consacré à la dernière réunion de l'Eurogroupe.
Selon lui, le gouvernement devrait être dispensé d'inclure certaines mesures jusqu'alors exigées: hausse de TVA, nouvelles coupes dans les retraites ou poursuite de la dérégulation du marché du travail. Cela permet à Athènes de se présenter désormais en «coauteur des réformes et de sa destinée», plutôt qu'en élève soumis, selon Yanis Varoufakis.
Mais rien ne garantit qu’Alexis Tsipras décrochera le feu vert de la zone euro sur la mise en œuvre de la partie la plus débattue de son programme: hausse du salaire minimum - que le gouvernement avait fixée pour 2016 - , hausse des petites retraites, protection des saisies immobilières ou arrêt des privatisations.
Des réformes scrutées à la loupe
Toutes ces mesures ont un coût. Or, dans l'accord trouvé, la Grèce s'engage à ne pas légiférer avec un «impact négatif sur les objectifs budgétaires, la reprise économique et la stabilité financière».
D'autant que ce compromis exclut que le gouvernement puisse utiliser les quelque onze milliards d'euros restant dans le fonds de stabilité des banques grecques pour autre chose que la sauvegarde du système financier. Sachant que la zone euro ne déboursera pas l'argent restant dans le programme d'aide (7,2 milliards d'euros, dont 3,6 venant de l'UE) avant une seconde évaluation des réformes, en avril.
Toutefois l'UE a autorisé Athènes à dégager un excédent budgétaire primaire (hors service de la dette) plus faible qu'initialement souhaité.
Toute réforme «qui n'a pas d'impact budgétaire sévère pourra être mise en oeuvre», a dit samedi le ministre de l'Economie Giorgos Stathakis. Selon lui, certaines mesures de lutte contre la pauvreté promises peuvent aussi rapporter à l'Etat (via les rééchelonnements d'impayés d'impôts), ou être compensées par les recettes attendues de la lutte contre l'évasion fiscale, la corruption, et la réorganisation de l'administration.
Le compromis trouvé à Bruxelles «donne du temps» pour négocier un nouvel accord avec les créanciers avant fin juin, a estimé Alexis Tsipras. Pour la presse grecque, il s'agit de l'un des acquis du bras de fer engagé par Syriza avec la zone euro.
«Vous ne devez pas promettre à vos électeurs que vous changerez tout dès le lendemain. C'est un rêve, pas la réalité» a toutefois mis en garde le président du parlement européen Martin Schulz.