Fusillades à Copenhague: Le Danemark confronté aux difficultés d'intégration

DECRYPTAGE Les deux fusillades perpétrées par un jeune Danois d'origine palestinienne soulèvent la question de l'intégration des populations immigrées au sein du royaume scandinave...

Bérénice Dubuc
L'homme soupçonné d'être l'auteur des deux fusillades qui ont fait deux morts et cinq blessés à Copenhague est un Danois de 22 ans.
L'homme soupçonné d'être l'auteur des deux fusillades qui ont fait deux morts et cinq blessés à Copenhague est un Danois de 22 ans. — Rumle Skafte/AP/SIPA

Une société libérale, et peu soumise aux tensions communautaires. C’est, en gros, la perception française de la société danoise. Dès lors, les attaques commises ce week-end à Copenhague par Omar al-Hussein, jeune Danois d'origine palestinienne, apparaissent comme une anomalie du modèle d’intégration danois.

«L’image que l’on a en France est idyllique, alors que les sociétés scandinaves ne sont pas des sociétés idéales, mais réelles, où il peut y avoir des confrontations», met en garde Cyril Coulet, ancien chercheur à l’Institut suédois de relations internationales. Il souligne que même, si «la société danoise n’est pas travaillée par le communautarisme», elle n’est pas exempte de tensions communautaires, et est aussi «concernée par le départ de ressortissants vers des zones de conflit, ce qui peut bien sûr refléter une difficulté dans l’intégration».

«Déception vis-à-vis de la politique gouvernementale»

En effet, sur une population de 5,6 millions d’habitants, le royaume scandinave a vu quelque 110 Danois partir faire le djihad ces dernières années. Pour expliquer cet attrait, l’imam Fatih Alev avance dans Libération une fuite de ces jeunes du pays, où le débat politique «exclue les minorités et notamment les musulmans. Beaucoup de jeunes ne se sentent plus connectés. Ils n’ont aucun sentiment d’appartenance».

«Durant 10 ans, le gouvernement de centre-droit a été appuyé par le parti d’extrême droite ouvertement xénophobe Dansk Folkeparti (DF), qui a poussé pour mettre en place des lois très strictes en matière d’intégration et de limitation de l’immigration», rappelle Jenny Andersson, chercheure au centre d'études européennes de Sciences Po. Et, «depuis 2005 et la publication des caricatures de Mahomet par le Jyllands Posten, la communauté musulmane éprouve une grande déception vis-à-vis de la politique gouvernementale», ajoute-t-elle, soulignant par exemple le fait que le Premier ministre danois de l’époque ait refusé de s’excuser ou de prendre ses distances avec les caricatures.

«Pas de raison que la Scandinavie soit épargnée»

Pour Cyril Coulet, «cette plus grande attention portée aux conflits de valeur dans l’espace public, où l’autre est toujours présenté comme autre et cette altérité comme ne pouvant être dépassée,  peut initier l’idée dans l’opinion que la cohabitation est difficile, voire impossible, qu’aucun espace commun ne peut être créé, l’autre étant trop radicalement différent». Une vision de la société qui créé tensions et radicalisations, et risque d’entretenir encore plus les extrêmes.

«Tout comme il n’a pas été surprenant pour les observateurs de la politique norvégienne de voir l’avènement d’un Breivik, il n’est pas non plus aujourd’hui surprenant de voir ce genre d’actes se produire au Danemark, selon Jenny Andersson. On observe en Europe une radicalisation de tous les côtés, aussi bien du côté des extrémistes islamistes que de l’extrême-droite néo-nazie. Il n’y a pas de raison que la Scandinavie soit épargnée».

Pourtant, pour Cyril Coulet, «il ne faut pas utiliser ces attaques pour justifier l’échec de l’intégration dans le pays». Le chercheur rappelle que l’intégration est un processus à temporalité longue, sur plusieurs générations, et, qu’«entre-temps, elle est imparfaite et l’on a tendance à se polariser sur ce qui ne fonctionne pas bien, sur des éléments qui sont graves et interpellent, mais qui en termes d’occurrence statistique et de nombre de personnes concernées sont marginaux, et ne sont donc pas révélateurs d’une dynamique générale.»