Burkina Faso: Après le départ de Compaoré, quels sont les scénarios possibles?

AFRIQUE Le pouvoir est depuis jeudi entre les mains des militaires...

Nicolas Beunaiche
Blaise Compaoré, président du Burkina Faso, le 26 juillet 2014, à Ouagadougou.
Blaise Compaoré, président du Burkina Faso, le 26 juillet 2014, à Ouagadougou. — SIA KAMBOU / AFP

Blaise Compaoré n’est plus le président du Burkina Faso. Mais la confusion qui régnait jusqu’alors dans l’ancienne Haute Volta ne s’est pas dissipée pour autant, au contraire. Après l’annonce du départ du chef de l’Etat depuis 27 ans, le pays se retrouve désormais dans les mains de l’armée. Que peut-il désormais se passer? Trois grands scénarios se dessinent.

Un scénario à la tunisienne. La plus grande réussite du printemps arabe peut-elle être imitée au Burkina Faso? Dès mercredi, l’opposant Emile Pargui Paré a appelé de ses vœux un «printemps noir» inspiré de ce qui s’est passé dans le Maghreb en 2011. Objectif: renverser le pouvoir et aller vers des élections démocratiques. Avec le départ de Compaoré, il s’agit désormais de «maintenir la pression», selon l’expression utilisée dans la matinée par les opposants, pour éviter un détournement de la révolte. «Il faut récupérer notre révolution qui est en train de nous être volée», estimait ce vendredi matin le journaliste et militant Gabriel Kombo, interrogé par RFI. Pour Michel Galy, le scénario démocratique est une possibilité, «à l’image de la Tunisie, il passerait certainement par une interdiction du parti de Compaoré», estime-t-il. Dans son communiqué annonçant son départ, Compaoré dit souhaiter lui-même des élections «libres et transparentes» sous 90 jours. Avec ou sans un candidat de son parti?

Un scénario à l’égyptienne. On parle ici d’une prise de pouvoir par l’armée, au moins temporaire. Après avoir affirmé dans un premier temps, jeudi matin, que «l’armée [était] soudée avec le peuple», Bénéwendé Sankara a changé de discours, plus tard dans la journée, après l’annonce de la prise de pouvoir de l’armée. Il a dénoncé un «coup d’Etat» du chef de l’état-major, Nabéré Honoré Traoré. Mais il est pour l’instant le seul membre de l’opposition à avoir employé cette terminologie. Le Burkina Faso est un pays habitué des coups militaires, rappelle Michel Galy, qui précise que les deux derniers chefs d’Etat burkinabè, Thomas Sankara et Blaise Compaoré lui-même, étaient deux militaires. Ce dernier était d’ailleurs arrivé au pouvoir en 1987 à la faveur d’un putsch, le troisième de sa carrière. «Si l’armée ne se range pas du côté de l’opposition, on peut craindre des violences, voire des massacres», ajoute-t-il. Ce vendredi, le chef d'état-major des armées a en tout cas annoncé «assumer» la fonction de «chef de l'Etat».

Un scénario à la malienne. En 2013, le Mali avait été le théâtre d’affrontements au sein même de l’armée, opposant les «Bérets rouges», proches de l’ancien président Amadou Toumani Touré, à des soldats d’autres corps de l’armée malienne. Un scénario qui n’est pas inenvisageable au Burkina Faso, où «la garde présidentielle pourrait s’opposer à d’autres régiments, moins bien payés et moins bien équipés», selon Michel Galy. Jeudi, l’armée s’était ainsi montrée particulièrement passive, comme la police, au contraire de la garde du président, qui défendait le palais. Par ailleurs, deux têtes dépassent des rangs de l’armée: son chef actuel, Nabéré Honoré Traoré, et un général à la retraite, Kouamé Lougué, dont le nom a été scandé jeudi et ce vendredi par la foule. Une bataille de leadership pourrait donc bien s’engager entre les deux hommes.