Frappes contre Daesh: «La France ne peut pas agir partout»
INTERVIEW Yves Boyer, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique, explique à «20 Minutes» pourquoi la France intervient contre Daesh en Irak et pas en Syrie…
Un nouveau front contre Daesh. Dans la nuit de lundi à ce mardi, des raids aériens ont pour la première fois été menés par les pays appartenant à la coalition internationale mise en place pour combattre le groupe islamiste en Syrie. Cependant, la France n’y a pas pris part. A la veille du débat, prévu mercredi à l’Assemblée nationale, sur les frappes aériennes, Yves Boyer, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique et spécialiste de géopolitique, explique à 20 Minutes les raisons de cet engagement limité à l’Irak.
Pourquoi la France n’a-t-elle pas participé aux premières frappes de la coalition contre les cibles de Daesh en Syrie?
Il y a deux impératifs. D’abord un impératif politique. Pour intervenir militairement sur le territoire d’un pays souverain, il faut un accord des autorités de ce pays. Bagdad a demandé une intervention des pays membres de la coalition, mais pas Damas. De plus, la position officielle de la France depuis plusieurs années maintenant est de ne pas reconnaître la légitimité du gouvernement de Bachar el-Assad. Or, lui demander l’autorisation d’intervenir militairement serait lui reconnaître cette légitimité.
Quel est le second impératif?
Il s’agit d’un impératif militaire. La France est le seul pays européen à s’être joint aux Américains dans leur campagne aérienne contre Daesh, avec une douzaine de Rafales positionnés sur la base aérienne al-Dhafra, à Abu Dhabi. Mais, s’il est possible pour la France d’agir -avec un volume de frappes suffisant pour affaiblir Daesh-, elle ne peut pas agir partout. Et, comme il y a une coalition politique, mais pas de coalition militaire (chaque pays a son propre commandement militaire, il n’y a pas de centre de commandement commun), elle a choisi de se concentrer uniquement sur des positions de Daesh en Irak.
Même si la France n’y participe pas, ces bombardements peuvent-ils mettre un peu plus en danger la vie des ressortissants français, et notamment de l’otage retenu par Jund al-Khilafa en Algérie?
Ces djihadistes sont sans foi ni loi et tous les prétextes sont bons pour tuer des «mécréants» comme ils disent. Mais il ne faut pas entrer dans leur logique. Les menaces et l’intimidation font partie de ce genre de conflit -on se rappelle de Saddam Hussein qui parlait de «mère de toutes les batailles» pour désigner la confrontation entre l’Irak et la coalition réunie par Washington en 1991-, et modifier notre politique signifierait que nous avons peur d’eux. Même si c’est dramatique pour nos otages, ce n’est pas l’émotion qui gouverne la politique extérieure. C’est pourquoi les termes de l’intervention française contre Daesh ne devraient pas changer.