Crash du vol MH17: Tout savoir sur le fonctionnement d'un missile sol-air
DÉCRYPTAGE Le Boeing 777 de la Malaysia Airlines qui s’est écrasé en Ukraine aurait été abattu par un missile sol-air...
C’est la piste qui est privilégiée par les spécialistes: le Boeing 777 de Malaysia Airlines qui s’est écrasé jeudi dans l’est de l’Ukraine aurait été abattu par un missile sol-air, dont l’origine reste encore incertaine. Comment fonctionne ce type d’armement antiaérien? 20 Minutes fait le point.
C’est quoi un missile sol-air?
Egalement appelé missile surface-air ou missile antiaérien, c’est un projectile autopropulsé et guidé, destiné à atteindre une cible aérienne en étant tiré depuis le sol. «Basiquement, c’est une fusée avec un explosif au bout», explique l’ancien Général de brigade aérienne et directeur de recherche à l’Iris, Jean-Vincent Brisset. Le missile peut posséder différents systèmes de guidage, et être presque complètement autonome (on lui «montre» à l’aide d’un radar, d’infrarouges où est la cible et il l’atteint grâce à un système autodirecteur).
Tous les missiles peuvent-ils abattre un avion volant à plus de 10.000 mètres d’altitude?
«Il existe quatre classes de de systèmes sol-air en fonction de leur portée», explique Jean-Yvex Bruxelle, ingénieur en chef d el'armement et architecte du système de forces «protection et sauvegarde» à la Direction générale de l'armement (DGA). «Ce classement va du système d'armement à très courte portée (SATCP, ou MANPAD «pour Man-portable air-defense system»), qui ont une portée d'environ 30 km, au système d'armement de longue portée (SALP), qui est plutôt destiné à un usage anti-missile balistique, comme le Patriot américain.» Les SATCP ne vont pas jusqu’à 10.000 mètres d’altitude, mais les système d'armement à moyenne portée (SAMP) oui. «Leur portée est de 80 à 100 km et leur vitesse de mach 4» (quatre fois la vitesse du son), souligne l'expert.
De quoi est constitué un système sol-air?
«Ce type d’armement se compose dans son extension la plus large d'un moyen de détection de la cible (optique, infrargoue ou électromagnétique), de moyens de contrôle et de commandement (pour aider l'opérateur à définir le type de cible, savoir si c'est une menace et la fenêtre de tir optimale ainsi que donner l'ordre de tir), des lanceurs et missiles (avec leur partie propulsive, leur intelligence embarquée et leur charge militaire), et des moyens de conduite de tir pour accompagner le missile jusqu'à sa cible», énumère Jean-Yvex Bruxelle. Il mobilise une dizaine de soldats dont les connaissances techniques sont hyper-pointues.
C’est quoi un missile «Bouk»?
Le missile qui a abattu le vol MH17 proviendrait d’un système antiaérien «Bouk», selon Anton Guerachtchenko, un conseiller du ministère de l’intérieur ukrainien. «Il n’est pas difficile de mettre en cause ce type de missiles, puisque ce sont les plus répandus dans la région», commente Jean-Vincent Brisset. Le lance-missiles Bouk, de type SAMP et conçu par les Soviétiques dans les années 1970, fait en effet partie des dotations de l’armée russe, mais aussi ukrainienne, biélorusse et ont également été exportés en Chine, en Inde et en Géorgie, souligne Slate. Les rebelles pro-russes de l’Est de l’Ukraine en possèdent également, après s’être emparés fin juin d’une unité militaire où se trouvaient des missiles Bouk.
Quelles sont ses spécificités?
«Un Bouk, ce sont quatre missiles sur un petit blindé, avec un radar qui permet de tirer à courte distance et de guider le missile jusqu’à sa cible. Pour un tir à plus longue distance, il faut tout un régiment de véhicules radars fonctionnant en réseau», reprend Jean-Vincent Brisset. Le spécialiste souligne que les charges d’un missile Bouk sont de 50kg, ce qui est «amplement suffisant pour détruire un avion». Il précise en effet que «l’idée n’est pas de faire exploser l’avion, mais de le détruire. Le missile ne percute donc pas forcément sa cible, mais se positionne à côté d’elle, et fait exploser sa charge, composée de billes ou de barreaux d’acier, qui viennent à former un système de disque découpant, qui coupe l’avion en deux.
Qui a pu tirer?
«Quand on n’appartient pas à une armée, le fonctionnement se fait en mode dégradé, ce qui rend techniquement très limite la capacité à abattre un avion», souligne Jean-Vincent Brisset. Selon le spécialiste, l’erreur est la piste la plus probable. «L’armée ukrainienne a déjà abattu un avion russe par erreur au cours d’un exercice en 2001, du fait du manque de technicité de ses opérateurs. Il est possible que cela se soit reproduit ici, peut-être lors d’un entraînement de suivi d’un avion.» Une éventualité qui paraît impensable, mais qui s’est déjà produite, en France, au 3e RPIMA de Carcassonne en 2008, lorsqu’un fusil FA-MAS a été chargé avec des balles réelles et pas des balles à blanc. «Cela peut aussi arriver aussi avec des missiles», conclut Jean-Vincent Brisset.