Matteo Renzi, le nouveau leader de la gauche européenne?
DÉCRYPTAGE Le jeune président du Conseil italien possède de nombreux atouts pour montrer la voie à la gauche européenne…
Le nouvel homme fort d’Italie peut-il devenir le leader de la gauche européenne? Après seulement quatre mois à la tête du Conseil italien, une période auréolée de son succès aussi monumental qu’inattendu aux élections européennes du 25 mai, Matteo Renzi apparaît comme la nouvelle égérie de la gauche européenne.
«Certes, il a fait presque 41 % des voix, a mis un coup d’arrêt au mouvement Cinq Etoiles de Beppe Grillo, et a largement battu Silvio Berlusconi. Mais ce résultat spectaculaire aux élections européennes n’est pas la seule raison de l’engouement dont il est l’objet», analyse Marc Lazar, directeur du centre d’histoire de Sciences Po, qui souligne qu’«un certain nombre de personnes pensent qu’il pourrait être un espoir pour la gauche européenne, qu’il peut montrer la voie».
Donner une âme à l’Europe
Pour ce spécialiste de la politique italienne, «c’est aussi ce qu’il dit et la façon dont il le dit», qui pourrait faire du président du Conseil le leader de la gauche européenne. Que dit cet homme, jeune -il a 39 ans-, brillant orateur, à l’aise aussi bien à la télévision, à la tribune que sur les réseaux sociaux? Qu’il faut changer, non seulement l’Italie mais aussi l’UE. Il a déjà entamé les réformes en Italie (électorales, constitutionnelles, du code du travail, de l’administration ou encore de la justice, mais aussi des mesures pour les plus bas revenus, la taxation de certaines transactions financières…), même si très peu ont déjà abouti, et qu’on ignore comment il va les financer, rappelle Marc Lazar.
Mais Matteo Renzi, surnommé le «Rottamatore» («le démolisseur»), compte utiliser le semestre de présidence tournante de l’UE européenne de son pays pour «changer l’Europe et ses politiques économiques». «Si nous voulons sauver l’Europe, nous devons la changer. (…) Aujourd’hui, les vrais amoureux de l’Europe savent qu’elle ne fonctionne plus telle qu’elle est», a-t-il expliqué dans un entretien au Monde et à plusieurs journaux européens après les élections du 25 mai. Avant de lancer: «Si l’Europe m’explique dans le détail comment on doit pêcher l’espadon mais qu’elle ne me dit rien sur la manière de sauver un immigrant qui se noie, cela veut dire que quelque chose ne va pas. Je travaille pour donner une âme à l’Europe et j’espère que le PSE est conscient de ce problème.»
«L'Europe aujourd'hui, c'est de l'ennui»
Sa vision d’une UE avec un supplément d’âme, le chef du gouvernement italien l’a réitérée mardi devant les députés nationaux: pour permettre la relance de l’UE, «il ne suffit pas d’avoir une monnaie, un président ou une source de financement en commun. Soit nous acceptons un destin et des valeurs en commun, soit nous perdons le rôle de l’Europe face à elle-même.» «L’Europe aujourd’hui, c’est de l’ennui (…) Elle est submergée de chiffres et privée d’une âme», a-t-il ajouté.
«Il a un côté fougueux, presque populiste, mais les autres dirigeants européens vont vite lui rappeler qu’il est à la tête d’un pays très affaibli (chômage en hausse, croissance toujours en recul), et qui n’est pas vraiment pris au sérieux par les autres membres de l’UE», juge Marc Lazar. Pourtant, Matteo Renzi a une carte à jouer selon le chercheur. «Il est déterminé à montrer que l’Italie est un pays qui compte au niveau européen, qu’elle peut retrouver un grand rôle, comme ce fut le cas au début de la construction européenne. Il pense qu’il peut incarner cela.» A ce titre, la présidence tournante de l’Union européenne de l’Italie sera «très dynamique», prédit le spécialiste.