Cérémonies du Débarquement: «Le body language des chefs d’Etat sera important»
INTERVIEW Le chercheur Philippe Moreau-Defarges évoque les coulisses des commémorations du 6-Juin…
Le jour J approche pour les commémorations du D-Day. Vendredi, 19 chefs d’Etat ainsi que des chefs de gouvernement seront rassemblés en Normandie pour commémorer le 70e anniversaire du Débarquement anglo-saxon sur les plages françaises. Que va-t-il se passer dans les coulisses de cet événement planétaire? 20 Minutes a posé la question à Philippe Moreau-Defarges, chercheur à l’Ifri et auteur de nombreux ouvrages dont La géopolitique pour les nuls.
Les chefs d’Etat auront un emploi du temps chargé vendredi. Auront-ils tout de même quelques moments pour discuter?
Leur séjour en France est très court. Ils seront très absorbés par les cérémonies et leurs échanges diplomatiques sur d’autres sujets que les commémorations du Débarquement ne pourront être que brefs. En coulisses, on va se parler, mais on ne négociera pas. Ce qui sera important, en revanche, c’est ce que les Anglo-Saxons nomment le «body language», la manière dont les chefs d’Etat vont se comporter les uns avec les autres.
Les chefs d’Etat n’évoqueront pas l’Ukraine, donc?
Ils sont là pour célébrer ce qu’il y a de commun entre toutes les démocraties. Mais évidemment, en arrière-plan, il y a la sortie de crise en Ukraine. S’ils n’auront pas vraiment le temps d’en parler directement, elle sera présente dans tous les esprits. Les commémorations sont en ce sens importantes, parce qu’elles montrent qu’au-delà des tensions entre Russes et Occidentaux, il y a un combat commun qui les a liés et les lie toujours. Elles sont aussi le signe de la volonté des Occidentaux de maintenir le dialogue avec Vladimir Poutine.
Barack Obama et Vladimir Poutine ne souhaitent pas se rencontrer. Peuvent-ils vraiment éviter la confrontation?
Dans la vie, quand deux personnes veulent s’éviter, elles y arrivent très bien. Entre deux chefs d’Etat, c’est la même chose. La diplomatie sait très bien gérer ça, le protocole intégrera cette contrainte aisément. Le souhait des deux chefs d’Etat n’a, par ailleurs, rien d’extraordinaire; ce n’est ni un problème ni un drame. Obama est obligé d’être prudent vis-à-vis de la Russie et de son opinion publique.
François Hollande dînera avec le président américain au restaurant, puis recevra son homologue russe à l’Elysée. Faut-il y voir une différence de traitement?
Il ne faut pas y voir de hiérarchie: les deux présidents sont reçus de manière égale. Il s’agit d’un problème d’organisation et de coût. Recevoir à l’Elysée est moins dispendieux. La présidence française doit aussi tenir compte des souhaits des chefs d’Etat en visite en France. Obama a peut-être simplement demandé lui-même à dîner au restaurant…
Le 6-Juin célèbre aussi le début de la fin de l’occupation allemande. Quelle est la place d’Angela Merkel dans les commémorations?
Il y a depuis quelque temps une volonté de transformation de ces commémorations. Longtemps, elles ont servi à célébrer la victoire de la coalition contre les nazis. Désormais, elles célèbrent la victoire des Nations unies contre la barbarie, et la chancelière allemande y a toute sa place. Angela Merkel suit en cela les traces de Gerhard Schröder, qui était présent en 2004 sur les plages du Débarquement.