Condamnée à mort pour apostasie: A quoi correspond ce crime?
SOUDAN Une jeune chrétienne vient d'être condamnée à mort pour apostasie au Soudan. Décyptage...
«Je suis chrétienne et je n’ai jamais fait acte d’apostasie», a répondu Meriam Yahia Ibrahim Ishag au juge de la cour criminelle de Haj Yousef (une banlieue de Khartoum) où vivent de nombreux chrétiens et devant laquelle elle comparaissait pour apostasie et adultère.
A quoi correspond le crime d’apostasie? «Nous vous avions donné trois jours pour abjurer votre foi mais vous avez insisté pour ne pas revenir vers l’islam. Je vous condamne à la peine de mort par pendaison», a déclaré le juge Abbas Mohammed Al-Khalifa à l’adresse de Meriam Yahia Ibrahim Ishag. La jeune femme, voilée et vêtue d’une robe traditionnelle soudanaise, est restée impassible, selon différents témoignages.
La loi islamique, la charia, en vigueur au Soudan depuis 1983, punit de mort l’apostasie, qui consiste à renoncer publiquement à une doctrine ou une religion. Mais, si les peines de flagellation sont souvent exécutées au Soudan, la peine de mort l’est, elle, rarement. L’apostasie est aussi passible de la peine de mort en Arabie saoudite et en Iran.
Pourquoi Meriam Yahia Ibrahim Ishag est-elle accusée d’apostasie? Selon Amnesty International, Meriam Ishag a été élevée en tant que chrétienne orthodoxe, la religion de sa mère, car son père, un musulman, était absent pendant son enfance. Mais, aux yeux de la loi islamique, elle est musulmane.
Elle s’est ensuite mariée avec un chrétien du Soudan du Sud. L’accusation d'«adultère», qui lui vaut une condamnation à 100 coups de fouet, repose sur son mariage avec un chrétien, selon Amnesty International. Selon la loi islamique en vigueur au Soudan, une femme musulmane ne peut épouser un homme d’une autre religion précise Amnesty International.
Quelles vont être les suites judiciaires? L’un des avocats de la jeune femme a déclaré que la défense ferait appel et qu’elle était prête à s’adresser à la Cour constitutionnelle.
En cas d’exécution, Meriam Yahia Ibrahim Ishag serait la première personne mise à mort pour apostasie, en vertu du code pénal de 1991, selon le groupe de défense des libertés religieuses, Christian Solidarity Worldwide.
Les réactions de la communauté internationale peuvent-elles avoir des conséquences sur la situation de Meriam Yahia Ibrahim Ishag? «Nous condamnons fermement cette sentence et exhortons le gouvernement soudanais à respecter ses obligations définies par les lois internationales protégeant les droits de l’homme», a réagi la Maison Blanche dénonçant les «violations systématiques, flagrantes et continues de la liberté de religion» au Soudan.
Le département d’Etat américain s’est, de son côté, dit «profondément troublé» et a appelé le gouvernement à «respecter le droit à la liberté religieuse consacré dans sa propre Constitution intérimaire de 2005».
Le Royaume-Uni, par la voix de son ministre chargé des questions africaines, s’est dit «horrifié» par cette «condamnation barbare qui témoigne du véritable fossé entre les pratiques des tribunaux soudanais et les obligations du pays en matière de droits de l’homme».
De même, l’organisation Amnesty International s’est déclarée «horrifiée», exigeant la libération immédiate et inconditionnelle de cette femme de 27 ans, «enceinte de huit mois» et «détenue avec son fils de 20 mois».
La condamnation de Meriam Yahia Ibrahim Ishag veut-elle dire que la minorité chrétienne est réprimée? Christian Solidarity Worldwide a affirmé que les «actes répressifs» contre les minorités religieuses au Soudan, dont les expulsions, la confiscation et la destruction de propriétés de l’Eglise, ont augmenté depuis fin 2012. Soit un an après que le Soudan du sud, à majorité chrétienne, eut pris son indépendance en 2011.
Le ministre soudanais de l’Information Ahmed Bilal Osmane a cependant démenti toute oppression des chrétiens. «Nous vivons ensemble depuis des siècles».