Italie: Letta démissionne, cède la place probablement à Matteo Renzi

MONDE C'est un coup de théâtre politique dont l'Italie a le secret...

20 Minutes avec AFP
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Enrico Letta, le chef du gouvernement italien, démissionne.
Enrico Letta, le chef du gouvernement italien, démissionne. — Riccardo De Luca/AP/SIPA

  Après seulement dix mois à la tête de l'Italie, Enrico  Letta  s'est rendu vendredi à la présidence pour démissionner et céder  la  place très probablement à son rival Matteo Renzi, dans un de ces  coups  de théâtre dont la politique italienne a le secret. Letta est  «monté» au Quirinal, la colline où se trouve la  présidence de la  République, vers 13h pour remettre  officiellement sa démission à  Giorgio Napolitano. Il a été vu par des  journalistes de l'AFP en train  d'arriver tout seul, au volant d'une  modeste voiture, saluant la presse  en souriant. «Merci à tous ceux qui m'ont aidé, chaque jour comme si c'était le dernier», a tweeté le Premier ministre juste avant d'entrer.

Ce chrétien démocrate de gauche n'aura passé que 293 jours à  la tête  d'une coalition inédite gauche-droite mise en place après les   législatives faute d'une majorité parlementaire claire. Paradoxalement, Enrico Letta  s'en va sur une bonne nouvelle pour  l'économie: la tant attendue sortie  de la récession après deux ans de  chute ininterrompue du PIB, avec une  petite croissance de 0,1% au  dernier trimestre.

Matteo Renzi pourrait devenir le plus jeune chef de  gouvernement  en Europe

Même s'il n'a pas fait formellement acte de candidature, son   successeur probable est le fringant maire de Florence Matteo Renzi, le   chef de sa formation de centre gauche, le Parti démocrate, qui a obtenu   un vote écrasant jeudi soir sur une motion demandant d'«ouvrir une  phase  nouvelle avec un exécutif nouveau». Renzi qui présidait vendredi, à l'occasion de la  Saint-Valentin, à  une cérémonie au siège de la mairie de Florence pour  fêter des couples  ayant atteint les 50 ans de mariage, leur a demandé de  lui souhaiter  bonne chance. «On en a toujours besoin surtout en ce  moment», a-t-il  dit. A 39 ans, il pourrait devenir le plus jeune chef de  gouvernement  en Europe.

Le Corriere della Sera a reconnu au secrétaire du Parti  démocrate  des «talents capables de surprendre», mais, ajoutait-il, «tout  ne doit  pas se réduire à des effets spéciaux». Et il faudra dissiper   l'impression qu'il s'agit seulement d'une nouvelle révolution «de   palais» dont l'Italie est coutumière.

Car, à part le charisme et l'énergie du maire de Florence,  personne  n'a expliqué pourquoi le PD avait fait tomber un gouvernement  formé par  son ex-numéro deux pour le remplacer par son numéro un, avec   l'intention de conserver plus ou moins la même majorité parlementaire. «Saut mortel», titrait l'hebdomadaire L'Espresso, en estimant  que  l'assaut du très ambitieux Renzi sur le Palais Chigi pouvait  aboutir à  deux résultats: soit «consacrer son leadership soit réduire sa   popularité en fumée».

Pas de détail sur son programme

En guise de programme, Matteo Renzi a martelé devant les  dirigeants de  son parti que l'Italie doit «changer d'horizon et de  rythme», «sortir  des marécages». Il a annoncé des réformes  «ambitieuses», en se fixant  comme horizon la fin de la législature en  2018. Mais il n'a donné aucun détail sur la manière dont il  comptait  trouver l'argent pour relancer durablement l'économie  italienne,  abaisser la lourde fiscalité sur les entreprises, lutter  contre un  chômage record proche des 13%, et à plus de 40% chez les  jeunes.

La bourse a réagi très positivement à la perspective d'un passage de  témoins entre Letta et Renzi, avec une hausse qui s'accélérait à la  mi-journée à  1,7%, alimentée aussi par le retour de la croissance. Et les journaux ont déjà commencé à jouer au  «toto-ministres»,  spéculant sur les futures figures du gouvernement.  Pour le poste clé de  l'économie, ils évoquent l'économiste Lucrezia  Reichlin ou Lorenzo  Bini Smaghi, ex-dirigeant de la BCE.

Après la démission d'Enrico Letta,  le président Giorgio Napolitano doit  procéder à des consultations des  différents partis avant de  vraisemblablement choisir Renzi pour  former un nouveau gouvernement.  Peut-être en lui confiant un mandat dès  dimanche. Les centristes de Choix civique ont déjà dit vouloir être du  voyage.  Tout comme les anciens proches de Silvio Berlusconi restés au   gouvernement derrière la bannière du Nouveau centre droit d'Angelino   Alfano. Mais «uniquement si c'est un gouvernement de service (au  pays), pas  si c'était un gouvernement politique orienté au centre  gauche», a  expliqué Alfano.

Une fois l'exécutif constitué, Matteo Renzi devra se présenter, peut-être dès mardi devant le Parlement, pour un vote de confiance.