Centrafrique: L'opération Sangaris au bord de l'enlisement?
MONDE Un mois après leur déploiement à Bangui, les forces françaises n'ont pas réussi à rétablir le calme...
Un mois après le lancement de l’opération Sangaris en Centrafrique, le calme est loin d’être revenu dans la capitale, Bangui. Les 1.600 soldats français doivent y assurer une mission de pacification et de désarmement afin d’éviter de nouveaux affrontements entre les milices chrétiennes «anti-balaka» («anti-machettes») et les rebelles musulmans de la Seleka, dont le dirigeant Michel Djotodia s’est autoproclamé président de la république de Centrafrique en mars dernier.
Mais la tâche semble irréaliste dans une ville surarmée. «Le désarmement n'a pas eu lieu. Une partie des Seleka se sont réfugiés dans les casernes et sont restés armés. Quant aux anti-balaka, même si on leur enlève les kalachnikov, ils continuent à se battre à la machette», explique Philippe Hugon, directeur de recherche à l'Institut des Relations Internationales et Stratégiques (IRIS) en charge de l'Afrique. Niant tout enlisement de l’opération militaire française, le ministre de la Défense Jean-Yves Drian a rappelé lors de sa visite à Bangui jeudi dernier que «La tâche ne se fait pas en trois jours».
Impatience et tensions renforcées
La population centrafricaine, elle, perd patience. Dans l'immense camp de déplacés de l'aéroport de Bangui, qui accueille près de 100.000 personnes, on raille l’inefficacité des forces françaises: «Sangaris ne peut pas régler le problème en deux jours avec leurs chars? Donnez nous des armes, on va s'en occuper, nous!», s'indigne un réfugié chrétien. D’après le Haut commissariat aux réfugiés des Nations Unies (HCR), 935.000 personnes ont été déplacées et plus de 510.000 sont hébergées dans des camps à Bangui. Même là, la tension monte: l'ONG Médecins sans frontières, qui avait installé un hôpital dans le camp de l’aéroport, a du en retirer ses expatriés et les distributions de vivres sont souvent retardées.
En ville, les tensions religieuses se renforcent: les 80% de chrétiens du pays soupçonnent les musulmans de soutenir la Seleka, tandis que ces derniers accusent les soldats français de favoriser les anti-balaka chrétiens. Sur les murs du quartier musulman de Bangui, près de l'aéroport, les inscriptions «non à la France» succèdent aux «Sangaris assassins». S’interposer entre les deux communautés est une position difficile pour l’armée française. Certains observateurs estiment aujourd’hui que seule une solution politique mettra un terme aux violences, qui ont déjà fait un millier de morts.