Manifestations en Turquie: «Les supporters de foot sont habitués aux affrontements avec la police»

TURQUIE Le chercheur à l’université de Galatasaray Jean-François Polo revient sur la participation des supporters de football dans les manifestations à Istanbul...

Propos recueillis par Audrey Chauvet
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Capture d'écran du zapping sur les violences en Turquie.
Capture d'écran du zapping sur les violences en Turquie. — 20minutes.fr

Place Taksim, les maillots des «Aigles» du Besiktas côtoient ceux des «Canaris» de Fenerbahçe et des «Lions» de Galatasaray. Laissant leur rivalité historique au vestiaire, les supporters des trois clubs de football d’Istanbul se sont unis dans la protestation contre le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan. Mais pour Jean-François Polo, enseignant-chercheur à l'université de Galatasaray, l’union sacrée pourrait ne pas résister à la politisation du mouvement.

Quel est le rôle des supporters de foot dans les manifestations à Istanbul?

Ils ont un savoir-faire en matière de mobilisation, de contestation voire d’affrontements avec la police. Ils ont joué un rôle important au début du mouvement, quand la résistance s’est organisée. Ils étaient à l’avant-garde car ils sont habitués aux affrontements avec les forces de police. Ils sont capables d’aller au plus proche des camions, de s’organiser, et ils ont l’équipement qu’il faut.

Les «ultras» du Besiktas ont été parmi les plus actifs et sont connus pour leurs tendances anarchistes. Quel est l’enjeu politique pour eux?

Ce groupe de supporters revendique clairement une identité de gauche anticapitaliste, ils sont notamment contre la marchandisation du sport. Ils représentent une gauche populaire voire populiste. Ils sont donc réactifs et critiques à l’égard du gouvernement actuel qui renforce une forme de néolibéralisme. Il y a une dimension sociale dans leurs prises de position, ils peuvent dénoncer le chômage, les atteintes à l'environnement, la création des grands centres commerciaux et donc le projet de Gezi, mais ils ne sont pas homogènes politiquement. On peut certainement trouver des militants kémalistes, mais c'est avant tout un positionnement sociétal plus que politique.

L’union sacrée entre les trois clubs est-elle une réalité?

Même si on a célébré les retrouvailles entre les supporters du Besiktas, du Fenerbahce et de Galatasaray, les UltrAslan de Galatasaray ont déclaré aujourd’hui qu’ils prenaient leur distance avec le mouvement car ils veulent rester en dehors de la politisation de la manifestation. Ils ont ainsi voulu marquer leur distance avec l’engagement politique du Besiktas.