Turquie: Les manifestants fêtent le retrait des forces de l'ordre

Turquie Des milliers de manifestants ont célébré, dans la nuit de samedi à dimanche, la reconquête de la place Taksim...

V. C. (avec AFP)
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 Des manifestants se réjouissent du départ des forces de l'ordre, place Taksim, le 1er juin à Istanbul (Turquie).
 Des manifestants se réjouissent du départ des forces de l'ordre, place Taksim, le 1er juin à Istanbul (Turquie). — no credit

«Nous sommes là Tayyip. Où es-tu?» Après plus de vingt-quatre heures de violents affrontements avec la police, des milliers de manifestants ont célébré samedi après-midi et dans la nuit la reconquête de la place Taksim, au cœur d'Istanbul, en raillant leur cible favorite, le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan. En quelques minutes, la clameur envahisse la place. Sitôt engagée la marche arrière sous les sifflets des policiers en tenue antiémeute, la foule s'est déversée à flots continus sur la place en criant victoire.

 

Plusieurs organisations  des droits de l'Homme ont dénoncé les violences de la police et Amnesty  International a affirmé qu'il y avait eu deux morts et plus d'un  millier de blessés, - des chiffres qui n'ont pas été confirmés de source  officielle. Les pays alliés occidentaux, les Etats-Unis et le Royaume Uni  ont appelé le gouvernement turc à la retenue, et des centaines de  personnes ont manifesté samedi soir à New York pour exprimer leur  soutien aux protestaires en Turquie.

 

Tous les bords politiques représentés

Les uns chantent à tue-tête l'Internationale, les autres tapent dans leurs mains ou dansent. Après les volutes irritantes des gaz lacrymogènes, c'est désormais un doux parfum de victoire qui se déverse sur Taksim. Dans cette foule vibrante, tous les bords politiques sont représentés.

De la droite nationaliste aux gauchistes revendiqués, des musulmans pratiquants aux laïcs purs et durs. Une poignée d'entre eux a recouvert de drapeaux multicolores le monument à la gloire du père de la Turquie moderne, Mustafa Kemal Atatürk. Partout, la colère accumulée contre le gouvernement islamo-conservateur du Parti de la démocratie et du développement (AKP) au pouvoir depuis 2002, accusé de vouloir «islamiser» la société turque, se déverse sans retenue.

Le gouvernement dans le viseur des manifestants

«Le gouvernement fait pression sur tout: “Faites trois enfants, non faites-en deux, non ne buvez pas, non ne fumez pas, ne vous baladez pas main dans la main avec votre amoureux si vous n'êtes pas sérieux”», rouspète une retraitée qui préfère ne pas décliner son identité. «Moi je suis une fille d'Atatürk et je m'y oppose. On partage tous ici cette idée, et c'est pour cela que nous sommes là.»

«Je ne pense pas que le gouvernement de l'AKP s'attendait à cela», se réjouit aussi un étudiant qui a demandé à rester anonyme: «Les gens se soulèvent pour empêcher une série d'interdictions imposées par un gouvernement qui ne nous comprend pas.» Malgré l'euphorie ambiante, certains restent plus prudents. Ils ont remporté une bataille, mais certainement pas la guerre déclarée au gouvernement.

«L'ambiance ici est heureuse et bon enfant. Aujourd'hui la police s'est enfin retirée», se réjouit Berk Sentürk, un directeur artistique. «Mais malgré cette foule immense rassemblée ici, le Premier ministre a déclaré qu'il allait continuer et que s'il le fallait, il détruirait également le centre culturel Atatürk derrière moi», poursuit-il. «Alors nous restons là, nous montons la garde.»

Lors d'une de ses interventions samedi, Erdogan a concédé que les victoires électorales écrasantes de son parti ne constituaient pas «un ticket pour imposer la volonté de la majorité à une minorité».

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