Les Français de Tunisie n'apprécient pas «l'humour» des caricatures
TUNISIE Les écoles françaises dans le pays sont fermées jusqu'à lundi, la sécurité du consulat et des intérêts a été renforcée...
De nos envoyés spéciaux à Tunis,
Les autorités tunisiennes n’ont pas tardé à répondre à la demande de la France de sécuriser les intérêts français dans le pays. Dès la mi-journée, ce mercredi, une dizaine de fourgons encadraient l’ambassade, place de l’Indépendance à Tunis, après que plusieurs messages réagissant aux caricatures de Mahomet publiées par Charlie Hebdo ont été diffusés sur les réseaux sociaux par des individus issus de la mouvance salafiste.
Le Quai d’Orsay a demandé de fermer les écoles et les ambassades vendredi dans une vingtaine de pays musulmans. Mais en Tunisie, le consulat a décidé d’avancer à mercredi les fermetures d’établissements scolaires qui pourraient rouvrir lundi prochain. «Nous n’avons pas reçu de menaces directes», assure un porte-parole du consulat, reconnaissant toutefois une «mesure de précaution».
Un pays en danger
«On en a ras-le-bol d’être sous pression et de vivre dans la terreur», s’agace une employée du lycée français Pierre-Mendès France de Tunis, qui préférerait «qu'on arrête de se moquer de toutes les religions». «D'ailleurs peut-on appeler ça de l'humour?» Dans cet établissement, où 1.800 élèves sont scolarisés, les surveillants sont passés dans les classes au cours de la matinée pour donner l’ordre aux enfants de rentrer chez eux. «Les réactions sont vraiment excessives des deux côtés. Je comprends la liberté d’expression. Mais j’ai l’impression que ce journal ne mesure pas les conséquences de ses actes. Il met en danger tout un pays», s’indigne Malek, 18 ans, un ancien du lycée.
«Déjà qu’ici ce n’est pas stable depuis la révolution. Mais alors avec ces caricatures, ça donne une raison de plus aux salafistes de trouver des soutiens dans la population. Et de mettre encore un peu plus des Français en danger à l’étranger», soupire-t-il. La communauté française en Tunisie représente environ 30.000 personnes. Son camarade, Selim, 19 ans, estime que c’est surtout «l’ensemble des Tunisiens qui est pris en otage».
«Acharnement» contre les musulmans
Au lycée Gustave Flaubert de La Marsa, des policiers dont certains en civil, patrouillent autour de l’établissement. «Il n’y aura rien aujourd’hui», souffle l’un d’entre eux même si les contrôles répétés des badauds qui s’en approchent de trop près trahissent l’appréhension des policiers de devoir revivre les saccages de l’ambassade et d’une école américaines, vendredi dernier, au cours desquelles quatre personnes sont mortes et des dizaines ont été blessées.
Dans le centre de Tunis, un taxi d’une trentaine d’années, affirme ne pas «comprendre l’acharnement» de ce journal contre les musulmans. «Ce n’est pas la première fois en plus», appuie-t-il. Le parti islamiste au pouvoir en Tunisie, Ennahdha, a de son côté vivement «condamné» les caricatures et indiqué que les musulmans avaient le droit de protester contre cette «atteinte au sacré» mais d’une «manière civilisée». Ce jeudi à Tunis, un rassemblement, à l’initiative de mouvements associatifs, est prévu «pour les citoyens qui veulent montrer le vrai visage de la Tunisie […], aux citoyens qui croient que ceux qui ont attaqué l'ambassade américaine et l'école américaine ne représentent pas la société tunisienne».