Film anti-islam: Le mystère plane toujours autour du véritable réalisateur

MONDE Le désormais tristement célèbre Sam Bacile n'aurait que produit le film...

Corentin Chauvel
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Capture d'écran du film, «L'Innocence des musulmans», réalisé par Sam Bacile.
Capture d'écran du film, «L'Innocence des musulmans», réalisé par Sam Bacile. — 20minutes.fr

Mais qui est donc le réalisateur de L’Innocence des musulmans? Si l’agence AP pensait avoir débusqué jeudi le cinéaste islamophobe en la personne de Nakoula Basseley Nakoula, dont Sam Bacile était le pseudonyme, le site américain Gawker a évoqué l’hypothèse d’un autre réalisateur du nom d’Alan Roberts.

Sur la fiche technique du film, tourné en août 2011, c’est en effet le nom d’Alan Roberts qui figure en tant que réalisateur. Sam Bacile (écrit Sam Bassiel sur la fiche) est présent également, mais en tant que producteur. C’est là que les choses se corsent.

Nakoula Basseley Nakoula et ses alias

Jusque-là, Sam Bacile était le seul lien avec le film. Dans une interview au Wall Street Journal, celui-ci semblait le revendiquer, clamant sa haine de l’islam qu’il qualifiait de «cancer». De plus, un activiste copte de Virginie, Morris Sadek, qui dit avoir joué un rôle dans la promotion du film, a communiqué à l’agence Reuters le numéro de téléphone de Sam Bacile qu'il a décrit lui aussi comme le réalisateur. Ce numéro en fait remontait au domicile de Nakoula.

Le nombre important de pseudonymes utilisés par ce dernier, déjà condamné par le passé à de la prison pour détention illégale de méthamphétamine et pour une affaire d'escroquerie bancaire, et la faiblesse de la réalisation du film ont fait que le nom d’Alan Roberts a été lui aussi pris pour l’un de ses alias.  

Alan Roberts «semblait ne pas savoir ce qu’il faisait»

Mais Alan Roberts est bien une personne différente, affirme Gawker, qui a interrogé deux membres du casting et de l’équipe de production. «Sam Bacile supervisait la logistique de la production tandis qu’Alan Roberts dirigeait les acteurs et mettait en place les scènes», explique le site.

Cet Alan Roberts est décrit comme un homme d’une cinquantaine d’années qui aurait déjà réalisé, selon sa fiche IMDB, neuf films plutôt obscurs dont un long-métrage érotique en 1977. Son dernier film, un thriller, date de 1994. Sauf qu’avec cette relative expérience, Gawker ne s’explique pas la faiblesse de L’Innocence des musulmans, d’autant plus que l’un de ses témoins raconte que le cinéaste «semblait ne pas savoir ce qu’il faisait» et que lui-même avait dû expliquer au réalisateur la base des effets spéciaux utilisés pendant le tournage, effectué à 90% sur fond vert.

Alan Roberts n’aurait ainsi été, comme le reste de son équipe et de son casting, qu’un élément «neutre» de la chaîne de production du film qui ne savait même pas qu’il s’agissait d’une œuvre anti-islam. «Je ne pense pas qu’un seul d’entre nous prenait ce film au sérieux. Tout le monde prenait cela pour une farce, sauf Sam (Bacile) qui semblait être le seul à le prendre sérieusement», indique Eric Moer qui a notamment travaillé comme électricien pendant le tournage. Et Gawker de conclure: «Ce serait la première fois dans l’histoire du cinéma qu’un réalisateur n’est pas au courant de ce qu’il tourne.»