François Lenglet: «Je pratique une forme primitive de Data Journalism»
INTERVIEW Le directeur de la rédaction de BFM Business et chroniqueur de BFM-TV, faisait partie des quatre interviewers de Nicolas Sarkozy dimanche. Nouveau venu dans l'exercice de l'interview présidentielle, le journaliste économique a récolté les éloges sur Twitter et a même été encensé comme une «star» par le Point.fr...
Ça va, vous survivez à des commentaires aussi élogieux sur Twitter?
Je ne m’attendais pas à ça et honnêtement, je trouve ça aussi flatteur qu’immérité. Je ne sais pas du tout comment l’expliquer. Peut être que c’est ma façon de travailler, d’être précis sur les chiffres à certains moments qui a plu.
Allez, en fait, c’est parce que les Français ne connaissent rien à l’économie que vous impressionnez!
(Rires) Vous avez raison, c’est sans doute l’explication la plus rationnelle.
Vous n’avez pas de compte Twitter, mais vous avez quand même regardé les réactions?
Oui parce qu’on m’a prévenu. J’en ai vu une vingtaine, assez marrants, parlant de mon coiffeur… Toute la difficulté de l’exercice pour moi, c’était de trouver le bon réglage vis-à-vis du président. Réussir à poser les vraies questions, ne pas être ultra-agressif, tout en existant. Je représentais aussi les couleurs du groupe BFM face à plusieurs millions de personnes. Donc, oui, il y avait un peu de pression.
Plus précisément, pensez-vous que votre prestation est le signe d’une montée en puissance des journalistes économiques dans la couverture d’une présidentielle marquée par la crise?
Oui, c’est certain. C’est une des raisons de ma présence à l’Elysée ou de mes interventions - comme d’autres journalistes économiques- dans les émissions politiques. Il y a effectivement ce contexte de crise, les menaces sur l’Euro, les contraintes nouvelles que les pays européens découvrent. Le besoin d’explications, de pédagogues est certainement plus fort qu’il y a cinq ans. Ma présence marque aussi la reconnaissance des chaînes économiques et des chaînes d’info parmi les médias qui comptent, au-delà des chaînes historiques. On sort du microcosme.
On commente beaucoup votre goût des graphiques, des camemberts, notamment dans «Des Paroles et des Actes», sur France 2...
Je ne suis pas économiste de formation, j’ai suivi des études de littérature à la Sorbonne (Marcel Proust y était le summum de la modernité!). Ce que j’aime dans les chiffres, c’est découvrir des choses inattendues, d’aller contre les idées reçues. Quand on en découvre un surprenant, on a un peu le cœur qui bat. Après, pour moi, le chiffre est un aiguillon, pas une religion. Il ne faut pas en abuser.
Certains trouvent votre présence à «Des Paroles et des Actes» sur France 2 incongrue dans la mesure où vous êtes salarié d’une chaîne privée…
Quand le contact s’est noué avec France Télévisions, j’avais quitté La Tribune et je n’étais que chroniqueur, pas encore salarié à plein temps pour BFM-Business. Après, le groupe France Télévisions est souverain. C’est plus le problème de France Télévisions que le mien.
On a même parlé d’une montée en puissance du «data journalism» avec votre méthode….
Je dirais que je pratique une forme un peu primitive de Data Journalism. Depuis que les données sont accessibles sur Internet, ça change la vie. Ma bible, ce sont les chiffres de l’OCDE que je peux avoir en ligne au lieu d’aller fouiller dans des volumes poussiéreux au château de la Muette! Le chiffre, c’est une question implicite. Mais bien sûr, le Data Journalism m’intéresse et j’ai pour ambition de faire un grand site d’Open Data économique avec BFM Business. C’est un projet en cours et j’ai d’ailleurs recruté quelqu’un pour le mener.
Une critique, au milieu de tous ces éloges: à force de poser des questions ultra-précises, vous ne risquez pas de manquer de pédagogie ou de perdre ceux qui sont moins pointus que vous?
J’y pense souvent. Hier ça a quand même été le cas, à un moment, j’ai du perdre un bon nombre de téléspectateurs. Même avec des graphiques, c’est difficile de trouver le bon degré de simplification.