Les Yes Men ne disent pas non à la subversion

TELEVISION Le duo d'activistes a réalisé un nouveau documentaire, diffusé mardi soir sur Arte et projeté dans les salles mercredi...

Anne Kerloc'h
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Les Yes Men et leur squelette doré, au cours de leur imposture devant des banquiers.
Les Yes Men et leur squelette doré, au cours de leur imposture devant des banquiers. — ARTE

Austère comme un indice boursier un jour de brouillard, Erastus Hamm, porte-parole d'une multinationale de la chimie détaille, devant un auditoire de banquiers, le concept de «squelette doré». A savoir des turpitudes d'entreprises misérables en moralité mais riches en profit. Sauf qu'Erastus est en fait Andy Bichlbaum. Avec Mike Bonanno, il forme les Yes Men et piège milieux d'affaires et médias grâce à des canulars énormes, dansant sur le fil de l'absurde.

Ici, les Yes Men piègent le maire de Levallois Patrick Balkany:



Happenings

Leur film Les Yes Men refont le monde est diffusé mardi à 20h45 sur Arte.



André Gattolin, chercheur qui termine une thèse sur le canular médiatique, nous livre son avis.

Pas sérieux mais un peu quand même. Entre deux happenings, les Yes Men enregistrent d'édifiants entretiens avec des ultras-libéraux, partent en reportage à Bhopal (Inde), où des milliers de victimes de l'explosion d'une usine chimique américaine attendent toujours réparation.



«On n'est pas dans un catalogue de leurs actions, note André Gattolin, il y a une volonté de profondeur, d'argumentation qui rapproche ce film des grands docus contestataires américains, comme Mondovino.»

L'humour fait des claquettes. Squelette doré dansant pour célébrer l'économie de marché, parodie des ballets nautiques du réalisateur de comédies musicales Busby Berkeley avec les Yes Men pataugeant en costards... «Andy est écrivain et ancien programmeur de jeux vidéos, Mike professeur de design. Ils ont, tous deux, une culture esthétique et visuelle forte, qui emprunte au cinéma hollywoodien et à la publicité, en passant par la 3D. Leurs actions en sont d'autant plus spectaculaires.»

Des pros du faux Le duo fait de la subversion un défi pro. Leurs faux sites Web bluffent même les dignes journalistes de la BBC. Leurs présentations d'entreprises manient l'infographie et l'animation aussi bien qu'un directeur de la communication. Quant au costume «Survivalball» - censé protéger l'humain des catastrophes en le transformant en cloporte rembourré -, il est impeccablement cousu.



«La particularité des Yes Men, c'est leur professionnalisme dans le canular. Ils ont su fédérer un réseau social de complices qui déclinent leurs compétences, de la fabrication de vêtements à l'impression de faux journaux. En fait, ils sont en train d'élaborer un modèle de communication contre-culturelle.» Des voix dissidentes, pas dilettantes.