Denis Podalydès fait revivre Drumont , «pape de l’antisémitisme»

TELEVISION France 2 consacre mardi soir un docu-fiction à Edouard Drumont, figure de l’antisémitisme français…

Alice Coffin
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Le sociétaire de la Comédie-Française Denis Podalydès incarne le président Nicolas Sarkozy dans le film "La Conquête", le film de Xavier Durringer qui relate son ascension vers le pouvoir, de 2003 à 2007 (sortie prévue fin 2011).
Le sociétaire de la Comédie-Française Denis Podalydès incarne le président Nicolas Sarkozy dans le film "La Conquête", le film de Xavier Durringer qui relate son ascension vers le pouvoir, de 2003 à 2007 (sortie prévue fin 2011). — Miguel Medina AFP/Archives

Après ce mardi soir, quelques millions de personnes, celles qui auront choisi de regarder France 2 à 20h35 , connaîtront Edouard Drumont, «pape de l’antisémitisme». Il avait encore plus d’audience que cela dans le dernier quart du XIX siècle, où l’auteur de La France juive «tenait la République» et avait via son journal La Libre Parole «un rayonnement international autant que dans la France profonde», détaille Emmanuel Bourdieu, réalisateur du film diffusé ce mardi: Drumont, histoire d’un antisémite français. Si désormais, explique Bourdieu «personne ne le connaît à part deux-trois allumés d’extrême droite qui doivent le vénérer et aller sur sa tombe au Père Lachaise, il a pourtant posé les  bases du fascisme français, de Vichy où on a retrouvé des disciples directs de Drumont, comme Charles Maurras».

Pour Podalydès, son personnage est «une crevure, antipathique et médiocre»

Patron de presse et antidreyfusard influent, Edouard Drumont était pour son interprète Denis Podalydès «une crevure, un homme de lettres mais profondément raté et profondément petit, un personnage antipathique, médiocre, sûrement d’une intelligence moyenne». Et pourtant , 500.000 exemplaires de son ouvrage La France juive furent  vendus, et son journal La Libre parole sous-titrée «La France aux Français» se vendait à 100.000 exemplaires.

La deuxième partie du film revient du reste sur l’Affaire Dreyfus, tant, estime Emmanuel Bourdieu, paradoxalement, «Drumont a aussi contribué à l’invention d’une forme d’anti fascisme à la française, avec les actions entreprises par Emile Zola, Bernard Lazare ou Joseph Reinach».

La presse au banc des accusés

Autant de personnages forts à retrouver dans le film, qui est aussi un portrait de la presse de la fin XIXè. Drumont, selon Podalydès, a su «exploiter une machine médiatique». Celle d’une presse complètement libéralisée, où les propos racistes et antisémites ne tombaient pas sous le coup de la loi. Il n’aurait pas existé sans ce phénomène historique très particulier de la presse de cette époque, où un journal pouvait se bâtir sur de la boue». 

Les médias fabriquent -ils toujours des Drumont? 

Phénomène historique, vraiment? Joseph Reinach, un de ses  ennemis, qualifie dans le film Drumont de «ridicule histrion». Pas sûr que d’autres créatures médiatiques ne puissent encore connaître ce parcours-là. «Ce qui est sûr, nuance Bourdieu, c’est que Zola avait lui trouvé un excellent moyen de les occulter. Dans son «J’accuse», l’écrivain vise à plusieurs reprises Edouard Drumont, «mais il savait comment on fait un coup de presse, et il a décidé consciemment de ne jamais écrire son nom, c’est un coup génial, révolutionnaire dans la façon de combattre un ennemi en niant son existence». Coup réussi puisqu’Edouard Drumont est désormais assez inconnu, mais à découvrir avec intelligence dans cette «Histoire d’un antisémite français» sur France 2.